Rottweiler

Standard FCI Nº 147

Origine
Allemagne
Traduction
Michèle Lévy avec la collaboration du Prof. R. Triquet et du Dr. J.-M. Paschoud
Révision : Iris Borianne
Groupe
Groupe 2 Chiens de type Pinscher et Schnauzer - Molossoïdes - Chiens de montagne et de bouvier suisse
Section
Section 2.1 Molossoïdes, type dogue
Epreuve
Avec épreuve de travail
Reconnaissance à titre définitif par la FCI
samedi 01 janvier 1955
Publication du standard officiel en vigueur
vendredi 15 juin 2018
Dernière mise à jour
mardi 24 juillet 2018
In English, this breed is said
Rottweiler
Auf Deutsch, heißt diese Rasse
Rottweiler
En español, esta raza se dice
Rottweiler
In het Nederlands, wordt dit ras gezegd
Rottweiler

Utilisation

Chien de compagnie, de service et d’utilité.

Bref aperçu historique

Le Rottweiler compte parmi les plus anciennes races de chiens. Son origine remonte au temps des Romains. Il était alors un chien de garde et de troupeau. Il escorta les légions romaines lorsqu’elles franchirent les Alpes, protégeant les hommes et menant le bétail. Lorsque les légions s’installèrent dans la région de Rottweil, ces chiens se trouvèrent en contact avec les chiens indigènes et il se produisit des croisements entre les deux variétés. Les principales fonctions du Rottweiler restèrent la garde et la conduite des grands troupeaux ainsi que la défense du maître et de ses biens. La vieille ville impériale de Rottweil finit par lui octroyer son nom : chien de boucher de Rottweil. Les bouchers faisaient l’élevage de ces chiens uniquement en fonction de leurs performances comme chiens d’utilité. Il se développa ainsi au fil des ans une race tout à fait exceptionnelle de chiens de garde et de troupeau, utilisé aussi comme animal de trait. Lorsqu’au début du 20ème siècle la police eut besoin de chiens de service, on testa également le Rottweiler et il s’avéra qu’il était parfaitement bien adapté aux missions d’un chien de police. Il fut officiellement reconnu comme tel en 1910. L’élevage du Rottweiler est orienté vers un chien débordant de vigueur, noir, aux marques feu bien délimitées, dont l’aspect général massif n’altère aucunement la noblesse et qui se prête tout spécialement à l’emploi comme chien de compagnie, de service, de sauvetage et d’utilité.

Aspect général

Le Rottweiler est un chien robuste de taille moyenne à grande, ni lourd, ni léger, ni haut sur pattes, ni levretté. De proportions harmonieuses, son aspect trapu et vigoureux laisse présager force, souplesse et endurance.

Proportions importantes

La longueur du tronc mesurée de la pointe du sternum (manubrium sternal) à la pointe de la fesse (tubérosité ischiatique) ne doit dépasser la hauteur au garrot que de 15% au maximum.

Comportement / caractère

D’humeur aimable et paisible,; il est très attaché, obéissant, docile et travaille avec plaisir. Son apparence trahit une robustesse naturelle. Il est sûr de lui, jouit d’un équilibre nerveux parfait et est difficile à impressionner. Il réagit avec beaucoup d’attention à ce qui l’entoure tout en restant d’humeur égale.

Tête

Région crânienne

Crâne
De longueur moyenne, relativement large entre les oreilles ; de profil le front est modérément convexe. Protubérance occipitale bien développée, sans saillie prononcée. 
Stop
Relativement prononcé (ou marqué). Le sillon frontal n’est pas trop marqué.

Région faciale

Truffe
Bien développée, plutôt large que ronde, aux narines relativement grandes. Elle est toujours noire.
Museau
Il ne doit apparaître ni trop long ni trop court par rapport au crâne. Le rapport entre la longueur du museau et celle du crâne est d’environ 1 à 1,5.
Lèvres
Noires, bien serrées, commissures labiales non visibles. Gencives foncées autant que possible.
Chanfrein
Rectiligne à base large, diminuant modérément de largeur d’arrière en avant.
Mâchoires et dents
Mâchoires puissantes et larges, autant l’inférieure que la supérieure. Denture puissante et complète (42 dents), articulé en ciseau. Les incisives supérieures recouvrent légèrement celles de la mâchoire inférieure.
Joues
Arcades zygomatiques bien marquées.
Yeux
De grandeur moyenne, en amande, de couleur brun foncé ; paupières bien appliquées contre le globe oculaire.
Oreilles
Moyennes, pendantes, triangulaires, très écartées l’une de l’autre et attachées haut. Ramenées sur l’avant et bien accolées, elles font paraître la région crânienne plus large qu’elle ne l’est en réalité.

Cou

Puissant, de longueur moyenne, bien musclé, avec profil supérieur du cou légèrement galbé. Il est sec, sans fanon, ni laxité excessive de peau à la gorge.

Corps

Dos
Droit, puissant et ferme.
Rein
Court, fort et haut.
Croupe
Large, de longueur moyenne, légèrement arrondie. Elle ne doit être ni rectiligne ni avalée.
Poitrine
Spacieuse, large et bien descendue (environ 50% de la hauteur au garrot) avec un poitrail bien développé et des côtes bien cintrées.
Flanc
Flancs pas retroussés.

Queue

A l’état naturel, forte, horizontale dans le prolongement de la ligne du dessus ; quand le sujet est aux aguets, excité ou en mouvement, elle peut être portée relevée et légèrement recourbée ; au repos elle peut être pendante. Abaissée le long des postérieurs, elle atteint presque les jarrets ou les dépasse.

Membres

Membres antérieurs

Généralités
Vus de face, les membres antérieurs sont droits et non serrés. Vu de profil, l’avant-bras est vertical. L’omoplate forme avec l’horizontale un angle d’environ 45°.
Epaules
Bien placée.
Bras
Bien appliqué contre le tronc.
Avant-bras
Vigoureusement développé et bien musclé.
Métacarpe
Légèrement élastique, puissant, légèrement incliné.
Pieds antérieurs
Ronds, avec les doigts bien serrés et cambrés. Coussinets fermes. Ongles courts, noirs et solides.

Membres postérieurs

Généralités
Vus de derrière, les membres postérieurs sont droits et sont serrés. En station libre, les articulations coxo-fémorales, fémoro-tibiales (grasset) et tibio-tarsiennes (jarret) forment des angles obtus.
Cuisses
De longueur moyenne, large et fortement musclée.
Jambes
Longue, puissante et large par sa musculature nerveuse.
Jarret
Puissant, correctement angulé. Il ne doit pas être trop droit.
Pieds postérieurs
Légèrement plus longs que les antérieurs, également avec des doigts forts, cambrés et bien serrés.

Allures

Le Rottweiler est un trotteur. A cette allure, le dos reste ferme et relativement immobile. L’allure est harmonieuse, franche, puissante et dégagée, avec une bonne amplitude.

Peau

Sur la tête, la peau est bien tendue ; dans des moments de grande attention elle peut former de légères rides sur le front.

Robe

Qualité du poil
La robe est formée par le poil de couverture et le sous-poil. Le poil de couverture est de longueur moyenne, dur au toucher, lisse et bien serré contre le corps. Le sous-poil ne doit pas dépasser le poil de couverture. Les poils sont un peu plus longs aux membres postérieurs.
Couleur du poil
Noire, avec des marques feu bien délimitées d’un ton brun-roux soutenu sur les joues, le museau, le dessous du cou, le poitrail, les membres ainsi qu’au-dessus des yeux et en dessous de la racine de la queue.

Taille et poids

Hauteur au garrot
Mâles : 61 à 68 cm. 61-62 cm : petit ; 63-64 cm moyen ; 65-66 cm : grand (taille souhaitée) ; 67-68 cm très grand.
Femelles : 56 à 63 cm. 56-57 cm : petite ; 58-59 cm : moyenne ; 60-61 cm : grande (taille souhaitée) ; 62-63 cm : très grande.
Poids
Mâles : 50 kg. Femelles : 42 kg environ.

Défauts

• Tout écart par rapport à ce qui précède doit être considéré comme un défaut qui sera pénalisé en fonction de sa gravité et de ses conséquences sur la santé et le bien-être du chien et sa capacité à accomplir son travail traditionnel.
• Les défauts doivent être listés en fonction de leur gravité.

Défauts généraux

 Aspect général : Léger ou levretté ou haut sur pattes ; ossature faible ; musculature légère.
 Tête : Tête de chien de chasse ; tête étroite ou légère ou trop courte ou longue ou massive ou trop molossoïde ; crâne trop large (stop absent ou peu marqué ou trop prononcé) ; sillon frontal très marqué.
 Museau : Long ou pointu ou trop court (museau dont la longueur est inférieure à 40% de la longueur de la tête) ; nez busqué ou fendu ; chanfrein concave, convexe ou tombant ; truffe claire ou tachée de ladre.
 Lèvres : Flottantes ou roses ou tachées de ladre ; commissure labiale ouverte.
 Mâchoires : Mâchoire inférieure étroite.
 Denture : Articulé en pince ; molaires de la mâchoire inférieure non alignées.
 Joues : Par trop saillantes.
 Yeux : Clairs, trop enfoncés ou à fleur de tête, ronds ; paupières trop lâches.
 Oreilles : Attachées trop bas ou trop haut ou lourdes ou longues ou flasques ou portées en arrière ou décollées ou les deux étant portées différemment.
 Cou : Trop long ou mince, peu musclé ; présence de fanon ou de peau de gorge trop lâche.
 Corps : Trop long ou trop court, étroit.
 Dos : Trop long, faible ou ensellé, dos de carpe.
 Croupe : Avalée, ou trop courte, ou trop plate ou trop longue.
 Poitrine : Cage thoracique à côtes plates ou trop rondes (en tonneau) ou manquant d’ampleur à l’arrière.
 Queue : Attachée trop haut ou trop bas.
 Membres antérieurs : Antérieurs serrés ; pas d’aplomb ou pas parallèles ; épaule droite ; coudes insuffisamment appliqués contre le corps ou décollés ; bras trop long ou trop court ou insuffisamment oblique ; métacarpe trop fléchi ou trop droit ; doigts écartés ou trop plats ou trop arqués ou déformés ; ongles clairs.
 Membres postérieurs : Cuisses plates ; jarrets clos, jarrets de vache ou dirigés vers l’extérieur (en tonneau) ; angles articulaires trop aigus ou trop obtus ; présence d’ergots.
 Peau : Peau de la tête ridée.
 Poil : Trop mou ou trop long ou trop court ou ondulé ; manque de sous-poil.
 Couleur : Marques feu de couleur défectueuse ou mal délimitées ou trop étendues.

Défauts graves

 Aspect général : Type trop molossoïde, aspect général trop lourd.
 Peau : Peau de la tête fortement ridée ; rides importantes au niveau du front, du museau et des joues ; fanon prononcé.
 Allures : Trot mou.

Défauts entrainant l’exclusion

 Aspect général : Inversion du caractère sexuel marquée (mâles de type féminin, chiennes de type masculin).
 Comportement : Sujet anxieux, timide, manquant de courage, craintif, féroce, trop méfiant ou nerveux ; chiens agressifs ou peureux.
 Denture : Prognathisme supérieur ou inférieur, arcade incisive déviée ; absence d’une incisive, d’une canine, d’une prémolaire ou d’une molaire.
 Yeux : Entropion, ectropion, yeux jaunes, yeux de couleur différentes (hétérochromie).
 Queue : Queue cassée, enroulée, portée fortement déviée latéralement, queue courte de naissance.
 Poil : Poil nettement trop long ou ondulé.
 Couleur : Non conforme au noir et feu caractéristique du Rottweiler ; taches blanches.

NB :

• Tout chien présentant de façon évidente des anomalies d'ordre physique ou comportemental sera disqualifié.
• Les défauts mentionnés ci-dessus, lorsqu'ils surviennent à un degré très marqué ou fréquent, sont éliminatoires.
• Les mâles doivent avoir deux testicules d'aspect normal complètement descendus dans le scrotum.
• Seuls les chiens sains et capables d’accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été sélectionnés, et dont la morphologie est typique de la race, peuvent être utilisés pour la reproduction.

Bibliographie

http://www.fci.be/

Historique détaillé

Le Rottweiler, autrefois appelé Rottweiler Metzgerhund (chien de boucher de la ville de Rottweil), aujourd'hui le « Rott » pour ses inconditionnels, est le type même du chien de bouvier, à son plus haut degré de perfection. Amélioré et sélectionné par les Allemands, il est aujourd'hui le plus répandu et le plus apprécié des Bouviers de par le monde.

Mais ce ne sont pas les seuls motifs de gloire du Bouvier Allemand. Ici et là, ses effectifs deviennent aussi nombreux que ceux du Boxer ou du Dobermann, et il commence à faire de l'ombre à l'universel Berger Allemand. Désormais, il est, au même titre que les races précitées, une des têtes d'affiche au box-office des races de garde et de défense.

Quel retournement de situation pour un chien qui passa inaperçu pendant de nombreux siècles. Dans son pays, on a même pu dire qu'on ignorait à peu près tout de son histoire ancienne. Jusque dans les années trente, il était pratiquement inconnu hors d'Allemagne, et il a fallu attendre les années soixante pour qu'il soit véritablement établi dans les pays anglo-saxons, pays réputés pour leur influence sur le renom des races.

Une encyclopédie, parue en 1971, notait que, avec 400 naissances annuelles aux Etats-Unis et 200 en Grande-Bretagne, le Bouvier Allemand était désormais « assuré de survivre ». Depuis, la race a en effet bien survécu dans ces pays, puisque son nombre de naissances y a été respectivement multiplié par cent et par cinquante. En France, les premiers spécimens ne sont apparus qu'il y a vingt ans à peine. Cette longue indifférence, suivie de cette reconnaissance tardive, s'explique cependant aisément.

Le Rottweiler procède du « mâtin », mot que l'on acceptera en lui enlevant, au préalable, la connotation fâcheuse qu'il a prise en français, car il s'agit ici d'un chien « de forte race », directement issu des Molosses élevés pour le combat et pour la guerre, mais qui fut affecté à des tâches plus pacifiques, pour lesquelles un courage à toute épreuve, de la puissance en même temps qu'une certaine agilité étaient indispensables. Ces tâches étaient la conduite des bovins, que ce fût à la ferme, sur route ou auprès des bouchers. Si cet héritage molossoïde fut prédominant chez ce chien, en raison du travail demandé, nul doute que les exigences de mobilité, d'endurance et de réceptivité au dressage l'ont conduit à des croisements avec des races bergères, et lui ont finalement donné une certaine diversité d'aspect.

Cette apparence quelque peu commune et variable et peut-être la modestie de ses propriétaires ont entraîné, chez les amateurs de chiens au cours des siècles et chez les premiers cynophiles il y a une centaine d'années, une ignorance quasi générale de ce type canin. On ne le trouvera donc ni sous forme de statue, ni peint par un artiste célèbre, ni décrit par quelque grand écrivain. Lorsqu'on s'intéressa aux molosses, ce fut d'abord aux Dogues et aux chiens de montagne, dont les gabarits faisaient impression, et non à leurs dérivés campagnards, dont l'utilité était pourtant quotidienne.

Et pourtant, si le Bouvier Allemand fut si longtemps négligé, il ne faudrait pas en conclure que ses origines sont indéterminées et obscures. Ses ancêtres sont connus, et même célèbres: ce sont les Molosses romains, certes pas les Canes Pugnaces qui étaient lancés contre les fauves dans l'arène ou contre les barbares, mais ceux qui gardaient et conduisaient les troupeaux dont les armées étaient accompagnées, c'est-à-dire, comme on l'a dit plus haut, les « mâtins ». Mâtin, on peut le rappeler, vient du latin mansuetus, apprivoisé. Les ancêtres du Rottweiler étaient bien des Molosses apprivoisés. Bien sûr, ces mâtins étaient capables de garder les campements, fonction qu'ils remplissaient effectivement. Mais les légions romaines, véritables villes ambulantes dont l'organisation n'est plus à vanter, étaient suivies ; intendance oblige ; de troupeaux importants, d'où la nécessité de nombreux chiens de bouvier sûrs et efficaces.

Avant de se lancer à l'assaut des remuantes tribus de Germanie, ces légions colonisèrent l'Helvétie en construisant un réseau de voies de communication à travers tout le pays. En partant du col du Saint-Gothard, l'une rejoignait, après avoir passé le col de la Furka, l'actuel canton de Berne et l'Entlebuch ; une autre se dirigeait vers le nord par l'Argovie et Schaffhouse, une troisième obliquait à l'est vers l'Appenzell. A travers ces noms, on retrouve les régions connues pour avoir été le berceau de trois des quatre Bouviers Suisses, le Bernois, l'Entlebucher et l'Appenzellois. Ces chiens sont sensiblement différents du Rott, certes, mais un œil averti peut leur trouver de nombreux points communs. Quant au quatrième Bouvier helvète, le Grand Bouvier Suisse, il n'a pas reçu de dénomination géographiquement plus précise en raison de sa diffusion beaucoup plus large, et c'est d'ailleurs lui qui est le plus proche du Bouvier Allemand. Alors que ces diverses lignées s'implantaient, les Romains poursuivirent plus avant. En particulier, ils établirent un vaste camp militaire permanent à Rottweil (dans l'actuel Bade-Wurtemberg) qu'ils employaient pour contrôler les bouillants Germains, à défaut de les coloniser. C'est des chiens bouviers qui s'y trouvaient que descend le Rottweiler.

Au Moyen Age, Rottweil devint un centre commercial important, où l'on se rendait, venant des montagnes suisses bien entendu, mais aussi de France et d'aussi loin que de Hongrie. Il n'est pas étonnant que les négociants en bestiaux et les bouchers aient formé de solides corporations à Rottweil, et que les Bouviers se soient multipliés dans la région. De fait, dès le XVIIIe siècle, lorsque la ville fut la plus prospère, les chiens de boucher de Rottweil avaient acquis une certaine renommée. On ne peut pourtant pas affirmer qu'ils suscitèrent un énorme intérêt auprès des amateurs de chiens de la seconde moitié du XIXe siècle. Le grand naturaliste A.F. Brehm, le « Buffon germanique », qui a décrit de nombreux types de chiens de son époque, ne mentionne pas les chiens de Rottweil. Seul dans la littérature spécialisée de l'époque, Richard Strebel, dans un ouvrage édité à Munich en 1905, Die Deutscher Hunde und Ihre Abstammung (Le Chien allemand et sa généalogie), les évoque rapidement. Ce grand amateur de molosses relie le Rottweiler Metzgerhund aux Bouviers de Suisse, encore qu'il le voie comme un maillon entre ces derniers et les Bouviers de Bavière, lesquels n'ont finalement accédé à un statut de race que sous leur variété à poil dur (le Schnauzer Géant).

Comme bien d'autres chiens de bouvier, celui de Rottweil aurait bien pu ne jamais figurer sur la scène cynophile. En 1900, dans la ville même de Rottweil, on ne put trouver qu'une seule chienne digne de représenter le type local, pour la simple raison que, là-bas comme en France ou en Angleterre, la conduite sur route de grands troupeaux faisait déjà partie du passé, car elle gênait une circulation de plus en plus intense, et que le chemin de fer avait pris la relève. Quant à la ville de Rottweil, elle n'attirait plus les marchands. Bref, la race autrefois réputée menaçait de disparaître.

Heureusement, au début du siècle, quelques connaisseurs résolus créèrent un club de race et s'empressèrent de définir un standard, qui fut reproduit en 1904 dans le monumental ouvrage, Les Races de chiens, du comte de Bylandt. Le Rottweiler bénéficia ensuite d'un coup de pouce décisif lorsque les .experts de l'armée allemande s'intéressèrent à l'espèce canine. Ainsi, à l'instar du Berger Allemand, du Boxer et du Dobermann, il fut sollicité pour contribuer aux intenses préparatifs de guerre. A partir de 1912, le rude chien de boucher de Rottweil devint l'objet d'une sélection à des fins presque exclusivement militaires.

Ce chien restera longtemps peu connu en dehors de son pays d'origine. Il n'arrivera aux Etats-Unis qu'en 1930, et, cinq ans plus tard, l'American Kennel Club le jugera suffisamment établi pour lui donner une place officielle. En Grande-Bretagne, cette reconnaissance n'interviendra pas avant 1966, alors que les premiers spécimens avaient été présentés à la grande exposition de Cruft dès 1936. La France, comme on l'a vu, sera encore plus longue à réagir, puisque le Livre des origines français inscrira le premier sujet en 1970.

Ce démarrage pour le moins laborieux peut s'expliquer par l'évolution qu'il a fallu préalablement faire subir à la race. Au début du siècle, si l'on se réfère aux illustrations contenues dans l'ouvrage de Bylandt, le Rottweiler ressemblait, grosso modo, au Boxer : il montrait un gabarit similaire, ni lourd ni léger, mais un faciès moins rétracté, des lignes moins élégantes, avec des oreilles laissées naturelles, bref, son aspect était assez commun, rustique, et surtout sans l'extraordinaire puissance qui est actuellement la sienne ; impression confirmée par la mention de son poids (une trentaine de kilos).

En quatre-vingts ans, le Rott a gagné une vingtaine de kilos. On remarquera aussi l'encolure taurine, l'exceptionnelle largeur de poitrail des spécimens d'aujourd'hui. Il a désormais toute la puissance du Dogue alliée à une rapidité d'action et une résistance proches de celles de races nettement plus légères. Comme on l'a souvent noté, il est le plus puissant de tous les chiens soumis au travail. Les éleveurs allemands ont en effet réussi ce tour de force de garder le pouvoir dissuasif du Dogue, son assurance, son courage inébranlable, son stoïcisme face à la douleur, sa ténacité, sans cesser de l'employer au travail, pour répondre aux exigences de ses utilisateurs, armées, polices, dresseurs professionnels ou sportifs.

Ainsi, sa réputation ne doit pas tant à ses mensurations ou à son aspect rébarbatif et sérieux qu'à des références utilitaires. Qu'on en juge. Il a été adopté par la police et l'armée allemandes, notamment au sein des brigades anti-manifestations; il est encore le plus employé par la police autrichienne ; on a recours à lui dans plusieurs prisons américaines ; enfin, il est intégré à des commandos parachutistes au Brésil. Il n'a donc rien d'un plaisantin.

Par ailleurs, il peut être aussi chien d'avalanches, chien de catastrophes, il peut pratiquer toutes les disciplines sportives, et il est fort apprécié comme chien d'intervention et pour la surveillance des entrepôts et des locaux: on admettra que ses possibilités d'utilisation sont fort étendues. Récemment, on a même éprouvé ses aptitudes à trouver les truffes. On conçoit que, ne serait-ce que pour son côté sécurisant, le particulier soit tenté d'adopter un tel chien. Le Rottweiler possède de grandes qualités, mais il faut mettre en garde le néophyte contre le choix inconsidéré d'un spécimen de cette race.

Il n'y a pas grand-chose à voir entre ce chien et une race bergère, bien qu'ils puissent avoir sensiblement les mêmes domaines d'utilisation. Le Rott, c'est un molosse, et un molosse, ainsi que l'a très justement dit Raymond Trinquet, c'est « comme ces armes qu'on montre pour ne pas avoir à s'en servir ».

En général, l'élevage moderne des Dogues s'est orienté vers la sélection de chiens extrêmement puissants, souvent de grande taille, au faciès tout à fait rébarbatif, et qui sont donc par eux-mêmes suffisamment dissuasifs pour qu'on n'ait jamais à solliciter leur esprit combatif, leur ténacité, leur courage. Les spécialistes des Dogues déconseillent d'ailleurs fortement un dressage à la défense de ces chiens et leur utilisation effective dans cette tâche, car peu de gens seraient à même de les avoir parfaitement en main en toutes circonstances. Or, s'il 'a gardé les caractéristiques psychiques du Dogue, le Rottweiler est en même temps un chien de travail, qui ne peut donc être mis entre toutes les mains.

C'est pourquoi avant de définir sa personnalité, il convient d'insister sur un point : il lui faut un maître qui lui convienne. Ce maître doit être doté naturellement d'une incontestable autorité et, sans être forcément un spécialiste des chiens, avoir un peu d'expérience. En outre, il est préférable qu'il soit sensibilisé aux problèmes de dressage. Sans doute, une personne sachant vraiment s'y prendre pourrait-elle d'emblée choisir un Rott, mais, dans bien des cas, il vaut mieux avoir préalablement manié un ou plusieurs chiens au caractère dominant. Ce chien doit pouvoir être maîtrisé, en tout cas s'il est question d'un mâle, qui, sauf exception, est toujours un animal vraiment dominant. La femelle est nettement plus tolérante, moins indépendante, et s'intègre mieux à une vie de famille. D'ailleurs, elle a instinctivement un sentiment protecteur développé à l'égard des enfants. Il est peu de races où la différence entre sexes soit si marquée: le Rottweiler a réellement deux publics, celui du mâle et celui de la femelle.

Une fois n'est pas coutume, on évoquera d'abord le principal défaut de la race: le Rottweiler tolère mal les autres chiens. Il n'est guère envisageable d'avoir plusieurs Rottweilers à la maison, sauf, bien sûr, s'il s'agit d'un couple, ni de faire cohabiter le Rott avec n'importe quel autre chien. En promenade, il est également conseillé de le tenir fermement en laisse et, parfois, de choisir des parcours tranquilles. On peut objecter que les autres chiens ne seront pas forcément aussi dominants, ce qui serait la négation même de cette notion: il n'est de chef que s'il y a des suivants. Il est néanmoins vrai que l'élevage du Rottweiler s'est attaché à sélectionner les sujets les plus dominants et que cette caractéristique est donc propre à la race. Autrement dit, un Rott peut se soumettre à un homme qui a suffisamment de poigne, mais il supportera rarement qu'un autre chien puisse lui dicter sa loi sans en découdre. Et il a un sens inné du combat.

Si un seul mot doit définir le tempérament du Bouvier Allemand, on dira qu'il est du type « colérique ». Ce n'est pas pour autant que la moutarde lui monte au nez pour la moindre peccadille. Tout au contraire, on soulignera avec force qu'il est d'un naturel extrêmement calme et paisible. Il n'aboie que très rarement (c'est pourquoi, quand il donne de la voix, il est nécessaire d'aller voir). Par ailleurs, il sait laisser son maître vaquer à ses occupations. Mais qu'on l'excite, qu'on l'agresse (ou plutôt qu'on agresse un de ceux dont il a la charge), alors montera une colère terrible, irrésistible; il verra rouge et ni rien ni personne ne pourra l'arrêter, car il est inaccessible à la peur, ne fait aucun cas de menaces ou de coups.

Ce tempérament se remarque spécialement lorsqu'on est amené à travailler avec lui les épreuves de mordant. Le moniteur de dressage peut bien agiter devant lui une manchette, le chien ne verra aucun intérêt à mordre pour s'amuser. Mais si son maître est attaqué, alors, là, le Rott y mettra tout son cœur. A tel point qu'il deviendra « indécrochable » si on lui résiste : le problème sera même d'obtenir qu'il cesse. Le Rottweiler est considéré comme un très gros « mordeur » : sa mâchoire est un véritable étau qui prend le « costume » à pleine gueule et ne le lâche pas, quels que soient les efforts de l'homme d'attaque.

Mais, plutôt que de vouloir éprouver rapidement ces qualités, il faut auparavant passer par de nombreuses séances de dressage à l'obéissance (le « plat », dans le jargon .des dresseurs, assis, couché, debout, marche en laisse, sans laisse, rapport d'objet, refus d'appât, etc.). Puis on abordera la phase du mordant, dans un esprit sportif, en évitant ce mordant « colérique » qui lui est naturel mais qui empêche toute progression ultérieure. Un bon spécialiste du dressage du Rott se révèle donc très utile, voire indispensable, pour tirer parti de ce chien. Bien sûr, il ne faut pas lui appliquer les méthodes mises au point pour les races bergères (qui forment la majorité des effectifs canins sur les terrains de dressage). Ce n'est pas un chien précoce (il n'atteint vraiment sa maturité que dans sa troisième année). Le dresseur devra se montrer aussi patient que ferme, procéder progressivement en évitant d'arriver à saturation. Mais, comme on le dit très souvent, « ce que le Rottweiler a appris, il le sait ».

Ce manque de précocité ne signifie nullement que son éducation doive être commencée tardivement. Au contraire, comme il n'est pas soumis de nature, qu'il fait preuve d'une grande indépendance et d'une tendance à vouloir décider par lui-même de ce qu'il doit faire ou ne pas faire, il vaut mieux le prendre en main dès l'âge de trois ou quatre mois. Mais, de toute façon, on ne lui fera pas exécuter n'importe quoi.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce rude chien, de race germanique de surcroît, ne doit pas recevoir un dressage « à la dure », être l'objet d'une discipline quasi militaire. Il n'est pas du genre sensible, quoique son éducation exige une bonne dose de subtilité. Mêler constamment une virile autorité et un peu de douceur, alterner les bourrades et les caresses, surtout ne jamais le braquer, le brimer, lui donner l'impression d'être injuste, tels sont les préceptes indispensables à suivre.

Certes, le Bouvier Allemand est apte à briller dans toutes les disciplines, mais son imposant gabarit le désavantage incontestablement dans certaines (le Ring, par exemple). Il est d'ailleurs vivement conseillé de surveiller attentivement sa ligne pour qu'il ne s'empâte pas. Le programme international (RCI), très proche des épreuves allemandes (Schutzhund), lui convient tout spécialement, mais aussi le pistage, qui lui permet d'exprimer son sens de l'initiative (et ses capacités olfactives très développées). Il n'y a pas de doute, le Rottweiler a été créé par et pour des amateurs de dressage. En ce domaine, il présente un rapport poids/aptitudes très intéressant. La proportion de sujets ayant passé avec succès leur Brevet de défense est tout à fait remarquable, et ce chien est encore très apprécié par les utilisateurs professionnels.

Cependant, il n'est pas nécessaire de le dresser pour avoir un chien efficace. Naturellement, une solide éducation le rendra maniable en toutes circonstances et en tous lieux. Ce protecteur-né est une force tranquille sur laquelle on peut toujours compter, qui n'aboie pas inutilement, qui attend la dernière extrémité pour agir. Son aspect sévère en impose indiscutablement: personne n'aura l'audace de franchir le portail si un Rott se tient derrière, même s'il reste calme. Il a une façon si déterminée de planter son regard sombre et assuré dans celui du visiteur.

Le Rottweiler est un chien très rustique, qui jouit généralement d'une excellente santé : sa longévité habituelle se situe dans une bonne moyenne (une douzaine d'années), et, en dépit de son poids, il n'est pas affecté très souvent par la dysplasie coxo-fémorale (les contrôles radiologiques effectués en France le prouvent). De toute manière, l'acheteur doit exiger un chiot issu de géniteurs exempts de dysplasie. Sans avoir besoin d'énormément d'exercice, le Rott appréciera certainement la possibilité de se dépenser dans un jardin.

Enfin, on déconseillera, sauf cas particulier, d'acheter un adulte dressé. Il s'en trouve couramment, provenant en particulier d'Allemagne, mais il n'est pas inutile de préciser que cette pratique permet de valoriser (et de commercialiser) un sujet de qualité moyenne. Ce chien sera peut-être un bon garde du corps, mais surtout il se révélera un animal « à conventions ; le contraire d'un vrai compagnon. Il est préférable de se procurer un jeune de trois ou quatre mois et de lui inculquer sans tarder les bases de l'éducation canine, afin d'en faire un membre de la famille.

Ce portrait est un peu sombre et dur. Mais le Rott est un chien éminemment sérieux, qu'il ne faut jamais acquérir sur un coup de tête, pour épater la galerie, ou parce qu'on a un besoin urgent de sécurité.