L'Ariégeois est un digne représentant des excellents chiens courants produits par les régions françaises et qui ont tant contribué à la richesse de la cynophilie nationale.
Voilà pourtant un chien qui a bien failli disparaître à la fin du XIXe siècle. Dans son ouvrage Le Chien et ses races, Pierre Mégnin écrivait en effet: « La race ariégeoise est tombée dans une décadence dont elle ne se relèvera pas. » Et il ajoutait: « Artésiens et Porcelaines sont à peu près morts en tant que race pure. Il ne reste vraisemblablement que des Artésiens-Normands et des Harriers-Porcelaines, en dehors de quelques sujets assez rares. »
Ce pessimisme était sans doute fondé à l'époque, mais, fort heureusement, la prédiction ne s'est pas accomplie. Et si le Chien de l'Ariège est aujourd'hui encore relativement rare, on en trouve cependant de beaux sujets, notamment à Saint-Girons, dans le midi de la France, en Haute-Garonne et dans le Gers.
L'Ariégeois est un demi-sang, ou « chien coupé », issu de croisements entre des étalons de pur-sang comme le chien d'ordre Gascon-Saintongeois (encore appelé Virelade) ou le Bleu de Gascogne d'une part et les meilleures chiennes Briquets du pays d'autre part.
Témoins les propos des frères Castet: « Ainsi M. Aldebert présenta à l'Exposition canine de Paris, en 1890, des Ariégeois fils d'un pur Virelade, Tapageur, et d'une grande Briquette de l'Ariège, Sapho », ainsi que ceux du grand veneur local de l'époque, le comte Elie de Vezins, qui fut un des plus fameux preneurs de lièvres de sa région : « Le Chien de l'Ariège, issu du chien d'ordre et du Briquet, a conservé physiquement les caractères typiques du facteur le plus pur avec moins d'espèce, moins de taille et plus de légèreté. Il mesure 21 pouces environ; distingué, léger dans son ensemble, avec une tête sèche et allongée, l'os occipital prononcé, l'oreille fine, papillotée, attachée bas, le fouet fin, la patte de lièvre. »
Les Ariégeois de la première génération pouvaient présenter un certain équilibre, puisque chaque individu hérite de 50 du patrimoine génétique de son père et de 50 de celui de sa mère. Mais dans les générations suivantes, avant que la race ne soit définitivement fixée, il devait naturellement apparaître des chiens plus proches du type Bleu, plus lourd, et d'autres plus proches du type Gascon-Saintongeois, nettement plus fin et élégant. Or, tandis que les Bleus continuaient à se renouveler fréquemment grâce à l'activité du club de la race, les Gascons-Saintongeois traversaient une période très creuse depuis la fin de l'âge d'or des chiens de J. Carayon Latour de Virelade. D'où, au niveau de l'élevage des Ariégeois, une longue prédominance de sujets massifs rappelant le Bleu de Gascogne, surtout parmi les mâles, alors que le chien lourd n'est jamais recommandable pour le lièvre. Il est même à éliminer pour la chasse en terrain difficile, notamment en montagne.
Fort heureusement, la race semble aujourd'hui retrouver sa distinction grâce sans doute au renouveau que connaissent depuis quelques années les Gascons-Saintongeois. Les chiens sont plus légers et plus élégants. La tête est plus sèche et le crâne plus étroit mais encore trop plat pour que la protubérance occipitale soit assez prononcée et proéminente. Les oreilles sont toujours très françaises, mais quelquefois un peu longues, ressemblant à celles des Bleus et des Gascons- Saintongeois, alors que le sang Briquet les avait raccourcies. Les tissus sont cependant assez secs, et la paupière inférieure, moins tombante, ne laisse pas apparaître la conjonctive. L'influence du Bleu se traduit encore par des feux assez vifs sur les joues et au -dessus des yeux, alors que ces marques devraient être pâles.
Enfin, l'Ariégeois manque souvent d'ossature, et il gagnerait peut-être à un peu de retrempe, soit avec le Harrier, soit avec l'Anglo-Français de Petite Vénerie.
Animal rustique particulièrement bien adapté à la petite vénerie, l'Ariégeois n'est absolument pas un chien de compagnie. Approchant 60 cm au garrot, il a la taille limite pour chasser le lièvre, la hauteur idéale se situant entre 48 et 55 cm. Il a toujours été apprécié pour les qualités que lui a apportées le Briquet: intelligence, vivacité, santé, adresse, activité dans le travail, persistance et ténacité pour relever les défauts.
Généralement bien gorgés, les Ariégeois possèdent une voix plus basse et plus grave que les autres chiens courants. Ils sont assez fins de nez, une qualité indispensable de ce côté de la Manche car, comme le faisait remarquer il y a trente ans un grand cynophile, M. de Kermadec, on ne chasse pas le lièvre en France de la même façon qu'en Angleterre, avec « beaucoup de chiens, beaucoup de lièvres et beaucoup de chevaux ». Et la voie du lièvre, légère comme celle du chevreuil, diminue rapidement d'intensité à mesure que le temps passe.
Plus dociles que les Briquets, les Ariégeois font également preuve de plus de sagesse dans la menée. Ils sont bons pour le lièvre, le chevreuil, le sanglier, mais ce ne sont pas des chiens de lapin. Comme tous les chiens du Midi, ils sont particulièrement à l'aise sur les terrains secs, sablonneux, rocailleux, et leurs propriétaires s'accordent à dire qu'ils rapprochent mieux que leurs congénères les voies des lièvres de la nuit.
Depuis quelques années, l'Ariégeois a débordé de son Midi natal pour se répandre dans l'ouest de la France, où il a servi à fabriquer des Anglo-Français. Ceux de Philippe Mitterrand, frère du Président, issus de croisements entre des Ariégeois et de purs Harriers, en sont un parfait exemple. Les sujets obtenus se distinguent des Anglo-Français de Petite Vénerie par leurs oreilles plus longues et des Ariégeois par une construction nettement améliorée. Très homogènes, robustes et résistants, ils prennent leur lièvre.
Les véritables Ariégeois de Saint-Girons, pour leur part, sont des chiens totalement français. Ils n'ont en particulier été l'objet d'aucun apport de sang anglais. Toutes les libertés étant possibles en matière d'élevage de chiens courants, on peut le regretter, car cet apport ne pourrait que renforcer leur ossature et les rendre plus robustes. |