Comme celle de tous les Terriers écossais, l'histoire ancienne du West Highland White Terrier est assez obscure. Aujourd'hui adulé par la publicité et objet d'une mode passionnée, hier race confidentielle couronnée dans les expositions, ce charmant Terrier à la robe blanche a néanmoins un passé plus lointain, que beaucoup semblent même oublier : celui d'un rude chasseur de vermine écossais.
Il convient d'abord de préciser que, des Terriers, il y en a toujours eu en Ecosse. Avant même le Moyen Age, ils étaient utilisés à déloger et tuer les bêtes nuisibles et autres « puants », tels que rats et souris, bien sûr, ainsi que blaireaux, loutres et putois. Le renard était aussi au nombre de leurs victimes, ce qui laisse songeur quant à la détermination et l'agressivité dont devaient faire preuve ces petits chiens. Les premières traces écrites de l'existence des Terriers écossais se trouvent sans doute chez différents auteurs du XVIe siècle (Johannes Caius, Turbeville, par exemple), qui mentionnent des Terriers du Nord et décrivent un type de chiens courts sur pattes et au poil dur, chassant le renard et le blaireau sous terre. En 1774, Oliver Goldsmith parle, quant à lui, d'un Terrier de petite taille, d'un courage à toute épreuve et à la voix claire.
Dans les régions sauvages des Highlands ainsi que sur la côte et dans les Hébrides, les Terriers étaient élevés par les nobles et par les paysans. Quelques différences apparaissaient dans les types et les couleurs, selon les préférences de chaque éleveur, dans chaque coin le plus reculé, mais ce n'est qu'à partir du début du XIXe siècle que les descriptions commencèrent à noter ces variations et que les types se dessinèrent plus nettement ; sans qu'il soit possible aujourd'hui de situer précisément les origines de chaque race actuelle, si ce ne sont pas les mêmes, d'ailleurs. Plutôt vers l'est (dans la région d'Aberdeen, notamment) se seraient développés des chiens au corps solide, aux pattes courtes, à la tête grosse, au nez long et à la dent dure. Leurs oreilles étaient petites et dressées, leur poil dur allait du sable au noir. Ils seraient les ancêtres du Scottish Terrier. Dans les comtés de l'Ouest, les chiens, également bas sur pattes, avaient le corps plus ramassé, nerveux, le poil plus long; c'étaient apparemment les aïeux du Cairn et du West Highland. Dans les îles du Nord-Ouest, il existait un troisième type au dos plus long, de structure plus forte, au poil long, d'où descendrait le Skye Terrier.
Souvent, les chiots blancs qui naissaient dans une portée étaient noyés, car on les croyait moins durs à la tâche que les sujets colorés. Sinon, jusqu'à cette époque, on s'occupait bien peu du physique d'un chien du moment qu'il était assez solide et malin pour effectuer le travail demandé. Les paysans et les gardes-chasse n'étaient pas tendres avec leurs chiens, et on raconte, par exemple, que les jeunes Terriers devaient affronter une loutre à mort dans une crique comme preuve de leur courage. Qui a déjà vu la mâchoire, l'agilité et la force d'une loutre comprendra toute la difficulté de cette épreuve. A la chasse, les chiens avaient affaire à du gibier féroce et bien décidé à vendre chèrement sa peau. C'est donc celle des braves chiens qui en pâtissait souvent. Et la médecine du moment était plutôt expéditive: quand un chien était déchiré, son maître le recousait au gros fil et à vif. Quant à la chasse pratiquée dans les cairns, ces monticules rocheux où se cache la vermine (qui ont donné leur nom à l'un de ces Terriers), elle était également périlleuse. Les chiens s'y coinçaient souvent, dans leur ardeur à poursuivre la bête honnie, et seul un jeûne de plusieurs jours leur permettait d'en sortir, amaigris mais vivants.
Mais la réputation des courageux Terriers des Highlands avait depuis longtemps débordé leurs landes natales. En témoignent les précautions, que prit Jacques 1er d'Angleterre (Jacques VI d'Ecosse) quand il voulut envoyer en royal cadeau six Terriers blancs d'Argyll. Les chiens furent embarqués sur plusieurs bateaux (au cas où l'un coulerait). L'heureux destinataire n'était autre qu'Henri IV. En 1839, ce sera non plus un roi mais un artiste (sir Edwin Landseer) qui rendra hommage au West Highland White Terrier en le faisant figurer sur deux de ses toiles, Highlands Dogs et Dignity and Impudence : toute confusion quant à la race de ces animaux est impossible, tant ils sont proches du type Westie, même actuel.
L'histoire du West Highland se resserre alors autour d'une région, le comté d'Argyll, et d'un homme, le colonel E. D. Malcolm de Poltalloch. Argyll, situé au sud-ouest des monts Grampians, avait la curieuse particularité d'abriter plusieurs espèces sauvages entièrement blanches. Renards, lièvres et coqs de bruyère immaculés devaient donc cohabiter avec les petits Terriers blancs, eux aussi parfaitement pigmentés et totalement exempts d'albinisme. Malcolm de Poltalloch, qui devenait un éminent spécialiste de la race, fut le premier, non à tolérer, mais bien à rechercher la couleur blanche dans ses portées. En effet, ce grand chasseur tua malencontreusement un de ses Terriers favoris qu'il n'avait pu distinguer dans les broussailles rousses; voilà donc le colonel bien décidé à ne plus posséder que des chiens blancs. Blanc n'est d'ailleurs pas exactement le qualificatif approprié puisque, comme le fait remarquer T. Bell en 1837, une teinte fréquente des Terriers écossais était le linty white, tirant sur le crème et même le jaune clair. Tels étaient les Terriers du colonel vers 1870, après qu'il eut réussi à créer sa variété distincte de Terriers des Highlands. Là encore, ces chiens devaient avant tout travailler, et leur teinte, comme leur morphologie, pouvait se permettre d'être approximative. Le caractère, lui, était roi, ce qui explique nos Westies durs, turbulents, têtus et bien trempés. A noter les oreilles semi-dressées qui apparaissaient parfois à l'époque.
Mais le colonel de Poltalloch n'était pas seulement chasseur, il cachait aussi un cynophile initié, et il partit bientôt présenter ses Terriers en expositions. Cela se passait en 1890, et les diverses races écossaises n'étaient pas encore très bien définies. Tous ces petits diables de chiens de travail cohabitaient dans les mêmes catégories, ce qui explique la confusion et les controverses au niveau des noms qui furent longtemps donnés à la race, tels que « Highland Terrier », « Poltalloch Terrier », « Pittenweem Terrier », « Roseneath Terrier» et même « White Scottish Terrier» ou « Skye White Terrier ». Il faut avouer qu'il y avait de quoi s'y perdre. On présenta ces fameux « Roseneath Terriers » au Crystal Palace en 1899, les mêmes chiens étant appelés West Highland White Terriers à Edimbourg en 1904. La race était lancée.
Deux ans plus tard, le premier Club de race anglais était fondé et le standard élaboré. Cette année-là, le Kennel Club reconnaissait officiellement le Westie, qui cependant, était encore loin des chiens actuels. Il fallut attendre le 18 novembre 1924 pour que les accouplements entre Cairn et Westie fussent interdits, et 1928 pour que le standard du second fût modifié, notamment en ce qui concerne la taille. L'entre deux guerres allait voir les premiers pas du toilettage en matière de Terriers, sauf pour le Cairn, qui garda son aspect de petit diable hirsute. Le succès ne tarda pas, et le Westie fut bientôt apprécié jusque dans le sud de l'Angleterre, puis exporté dès les années septante.
Une histoire de chiens courageux et travailleurs, qui séduisent aujourd'hui par leurs qualités de cœur et leur petit air fripon. Une belle histoire, en somme. Ce chien-là, c'est un grand monsieur dans un mini format. Tel est, rapidement résumé, le portrait du West Highland White Terrier. Petit, il l'est, mais sans concessions. Et, si son gabarit ne lui permet pas de s'imposer physiquement (et encore), il comble ce manque par un caractère de feu et effraie les plus costauds par sa détermination et son courage. Bien sûr, c'est son physique qui plaît, mais il a tellement plus à offrir. L'acheter sans le connaître pourrait se révéler un désastre, car ce diable-là doit avoir un maître à la hauteur.
D'abord, c'est un actif. Rien d'étonnant pour un Terrier, certes, mais le Westie semble avoir un certain génie pour créer l'événement là où il n'y a rien à voir. Un peu cabotin, avouons-le, il ne fait rien comme les autres, et le simple fait de le regarder vivre est déjà un spectacle. Dans la maison, il connaît chaque recoin, chaque petit détail ménager qui peut faire un jeu passionnant, il parcourt son domaine avec fierté et assurance. Pas question de passer l'après-midi à se faire câliner. Le Westie est un chien, pas un jouet, et il a vite fait de le rappeler. Il cultive d'ailleurs une certaine indépendance et reste sur son quant-à-soi. Même si sa curiosité le pousse vers son maître dès que celui-ci travaille à sa hauteur (ras du sol) sa présence dans la maison lui suffit, et il saura l'attendre patiemment s'il s'absente. Il n'est pas non plus le chien de travail éternellement fixé sur sa mission, et le faire obéir est déjà un bel exploit. Car le Westie semble prendre plaisir à ne rentrer dans aucune catégorie. Ou alors, il faudrait la créer pour lui : grand chien volontaire déguisé en petit toutou innocent. Chacun fait ce qui lui plaît; il est d'accord, surtout si c'est lui qui décide.
Le côté fonceur et un peu têtu du West Highland ne doit pas faire oublier ses grandes capacités d'affection et d'attachement à l'égard de son maître, à condition que ce dernier se fasse respecter. Car, en ayant l'air de ne pas s'occuper de lui, le Westie ne le quitte en réalité pas d'une semelle. D'ailleurs, même s'il essaie d'être le plus discret possible à ces moments-là, personne n'est dupe quand il se rapproche sur la pointe des pattes et s'installe pour quémander une caresse, un petit geste amical. On a beau être Terrier, on n'en a pas moins besoin d'amour. Sous ses allures de bolide, le Westie cache en fait un grand cœur. Cette affectivité, il la déploie à l'endroit des enfants, qu'il aimera à la folie s'ils sont bien élevés et ne lui tirent pas les poils (sinon, il leur fera comprendre rapidement qu'il n'est pas chien à se laisser martyriser). Il sera toujours partant pour de vrais jeux (pas pour rapporter la « baballe ») et pour les balades. Les excursions en forêt sont ce qu'il préfère, et il ne sera pas le premier fatigué. Rien ne l'arrête, ni les troncs d'arbres couchés en travers du chemin, ni les trous, ni les ronces. En vrai Terrier, il est resté sensible à toute odeur de gibier, et il est capable de filer à travers les fourrés à la poursuite d'un animal pour ne réapparaître qu'une heure plus tard, crotté, épuisé, mais ravi.
Son opiniâtreté risque de se manifester également à l'endroit des chats et des autres animaux domestiques. Il faut donc lui interdire toute agressivité envers eux dès sa petite enfance. Ce qui ne l'empêche pas d'être parfaitement capable de fraterniser avec le félin de la maison, s'il y a été habitué jeune; ainsi, le charmant spectacle de Toutou et Minet partageant, endormis, un seul panier ne sera pas rare. Ses congénères trouvent-ils grâce aux yeux de ce prince? D'une façon générale, oui, le West Highland possède une bonne sociabilité, mais il ne peut cacher sa forte personnalité, et certaines frictions peuvent se produire s'il tombe sur un gros chien velléitaire. Lui qui se prend pour un grand, il n'hésite pas à attaquer son adversaire avec une assurance étonnante. Assez dominant de nature, il soumet volontiers des chiens plus gros que lui par sa seule autorité. Il peut arriver qu'un « costaud » le remette à sa place, ce qui, loin de calmer sir Westie, l'exciterait plutôt. En résumé, il est charmant tant qu'on ne cherche pas à le contrarier.
Cette attitude volontaire et intrépide, le West l'a aussi un peu dans sa réaction à toute tentative de dressage. C'est pourquoi il faut absolument s'occuper de son éducation alors qu'il n'est encore qu'un chiot pas trop sûr de lui. Ne pas lui apprendre les bonnes manières aurait tôt fait de le transformer en petit despote, mignon, soit, mais parfois dur à supporter. Ce chien est un fort, et toute faiblesse à son égard serait une grave erreur, comme le serait d'ailleurs toute tentative de prise en force, qu'il rejetterait en bloc. En revanche, la personne qui saura glisser la main de fer dans le gant de velours et insister sans chercher à le dominer ouvertement aura de grandes chances d'en faire un petit compagnon charmant, espiègle certes, mais aussi un partenaire actif.
Car le Westie est un malin qui, s'il n'aime pas se soumettre en public, comprend vite où est son intérêt avec un maître décidé. Une vexation ouverte le ferait bouder pendant des jours, c'est pourquoi les affaires seront réglées en famille, avec une constance absolue dans les interdits et les ordres. Tel acte autorisé aujourd'hui ne sera pas défendu demain (et inversement), sinon le Westie perdra toute foi en la solidité de son maître et ne le reconnaîtra plus comme son protecteur et ami. Il faut donc lui demander peu, mais exiger d'être écouté. Le West n'est pas un chien qui se complaît dans un rapport ordre - exécution permanent, mais il est primordial d'obtenir son obéissance les rares fois où on la lui demande : pas question de rester sur une requête sans réponse. Ensuite, on le félicitera chaudement; il préférera vite les caresses à la grosse voix. Très intelligent, le Westie peut, s'il l'a décidé, surprendre en se montrant très coopératif et même apprécier des sports tels que l'agility. Dans cette discipline, où chien et maître suivent de concert un parcours d'obstacles, en harmonie et sans ordres péremptoires, le West est susceptible de trouver son équilibre en devenant la moitié d'une équipe et non un simple subordonné. Quelle que soit l'activité que ses maîtres choisiront de partager avec lui, l'important est d'instaurer une collaboration volontaire qui lui fera autant plaisir qu'à eux.
Autrefois chien de campagne exclusivement, le West devient aujourd'hui une des races favorites des citadins du fait de son faible encombrement et de son caractère rustique autant qu'enjoué. Il est alors essentiel que son rythme de vie soit en harmonie avec son tempérament et préserve son équilibre. Bien entendu, il n'est pas question de le confiner dans des pièces exiguës en lui donnant pour tout exercice ses trois promenades hygiéniques quotidiennes. En revanche, avec des sorties régulières dans un espace vert, assez longues pour qu'il puisse vraiment se dépenser physiquement, il sera très heureux, le moment venu, de réintégrer l'appartement. Après l'effort, le réconfort, et la moquette lui plaît sûrement autant que la paille, s'il est bien adapté à la ville. Il n'empêche, des séances de vraie campagne lui feront le plus grand bien, et il serait contraire à sa nature de vouloir préserver sa blancheur immaculée en lui interdisant de courir dans la boue et de jouer dans les flaques.
Un mot sur la valeur du West Highland White Terrier comme sonnette d'alarme. Qu'un étranger se présente à la grille ou à la porte, et nul doute que la voix claire et haut perchée du Westie se fera entendre. Bien sûr, il ne constitue pas un véritable chien de garde, car (heureusement) il est relativement sociable avec les étrangers, mais il ne manquera pas d'aboyer pour signaler une présence inattendue. Ce West Highland, c'est un vrai personnage.
Irrésistible avec son allure mutine, attachant par son caractère indépendant mais affectueux, pratique grâce à son format de poche, c'est vraiment le chien des années quatre-vingt. Souhaitons-lui de garder cette immense faveur du public et d'être un des favoris de la décennie deux mille vingt. Il le mérite. |