Contrairement à celles de beaucoup de races canines, nous connaissons de façon précise les origines du Braque Saint Germain : elles remontent à la première moitié du XlXe siècle. Charles X, roi de France de 1824 à 1830, était particulièrement épris de chasse et possédait des Braques qui descendaient de lignées célèbres depuis Louis XV, dont certains sujets sont parvenus jusqu'à nous grâce aux tableaux du peintre Jean-Baptiste Oudry (1686 - 1755), notamment celui qui représente la fameuse « Blanche », une des lices des chenils royaux.
A la demande de Charles X, le comte de Girardin, grand veneur du roi, rapporta deux Pointers d'Angleterre, vraisemblablement dans le dessein d'améliorer les qualités des Braques. Voici ce que dit M. de La Rue de ces deux « pur-sang », baptisés Miss et Stop, avec lesquels il eut d'ailleurs l'occasion de chasser : « Ils étaient à taches jaunes (blanc et orange), de grande taille, levrettés, les oreilles attachées un peu haut, le palais et le nez noir; le front chez la chienne était d'une finesse extrême; bref, ces deux types avaient une grande élégance et une incontestable distinction, Miss était alors bien supérieure à nos Braques et à tous nos chiens de pays. »
A la chute de Charles X, en 1830, les deux Pointers revinrent à M. de Larminat, un inspecteur des Eaux et Forêts attaché à la forêt de Compiègne. Stop mourut peu après, sans laisser de descendance, mais Miss fut conduite dans les chenils du comte de L'Aigle, à Tracy, pour y être saillie par un très beau Braque blanc et marron répondant au nom de Zamor. Sept chiots (demi-sang) naquirent de cette union, lesquels, selon le marquis de Cherville, avaient « une robe blanche et orange, accompagnée parfois de mouchetures ». Quatre de ces chiots furent confiés à des employés de la forêt de Compiègne, qui furent bientôt affectés à la forêt de Saint-Germain. C'est ainsi que ces chiens, qui avaient déjà acquis une certaine renommée, prirent le nom de chiens de Saint-Germain.
Il est probable, toutefois, que la race Braque Saint Germain n'est pas exclusivement issue des chiots de Miss et de Zamor, d'autres demi-sang nés de Braque blanc et marron et de Pointer blanc et orange ayant également reçu ce nom. Ce qui est certain, c'est que le Braque Saint Germain connut le succès dès le second Empire, et que nombre de sujets furent présents dans les chenils de Napoléon III, grand amateur par ailleurs de chiens courants anglais. C'est à cette époque, également, que l'on infusa un peu de sang de Braque Saint Germain à un type de vieux Braque Français, le Braque de l'Ariège (appelé aussi Braque de Toulouse), afin d'en améliorer la race. Certains auteurs ont même pu affirmer que M. de Morteau, lorsqu'il se retira dans son château de Molestrol dans l'Ariège, croisa des Braques Saint Germain qu'il avait emmenés avec lui à des Braques locaux, ce qui donna naissance aux Braques de l'Ariège à la robe blanc et orange si caractéristique.
Dans un article paru dans L'Acclimatation en 1878, un dénommé Feuillet fit une description détaillée du Braque Saint Germain d'alors : « Il est grand, il a de 65 à 72 cm à l'épaule, un peu levretté, haut sur jambes et toujours blanc et orange sans la moindre tache noire. » Selon René Laporte, qui fut président du Club de la race, le Braque Saint Germain devait avoir peu après cette époque la taille que nous lui connaissons aujourd'hui. D'ailleurs, s'ils ne mentionnaient pas les origines des chiens engagés, les catalogues des premières expositions n'en notaient pas moins la taille. Nous savons ainsi que, entre 1880 et 1885, le Braque Saint Germain mesurait de 55 à 60 cm pour les femelles et de 60 à 65 cm pour les mâles.
Dès la création du Livre des origines français en 1885, René Laporte notait encore que la race était essentiellement élevée en consanguinité, par le principal éleveur, M. Bathiat-Lacoste, qui y enregistra ses premiers chiens : Médor, Diane, Fox, Miss, puis son plus bel étalon, Fox IV. C'est toutefois à cette époque que, selon certains cynophiles, le Braque Saint Germain revint vers un type nettement plus continental, tant dans son aspect ; plus petit, un peu « rondouillard », précisa même A.-L. Blatt ; que dans son style de travail ; notamment une quête plus courte. Quelques années plus tard, toujours selon René Laporte, on recourut à nouveau au sang Pointer, ce qui permit d'arriver à un équilibre entre les qualités continentales et britanniques. Ainsi, M. Duval, un éleveur parisien, procéda à des croisements systématiques: sa chienne Mica fut accouplée à Ploff, un étalon très « pointérisé »; leur fils, Star II de l'Etoile, saillit aussi bien des chiennes Braques que des chiennes Pointers. Enfin, le célèbre éleveur fit appel à plusieurs reprises à un superbe étalon Pointer du chenil du jardin d'Acclimatation, nommé Eldon-Don. Quant à la championne d'avant la Première Guerre mondiale, Jilt des Yvelines, elle descendait par son père, Byrrh II de l'Etoile, de Mica et de Ploff.
Peu avant la Grande Guerre, le Club du Braque Saint Germain fut créé et rapidement reconnu par la Société centrale canine. Quoique lourdement affectée par la guerre, la race résista mieux que certaines autres races de chiens d'arrêt, et, même si, à l'aube des années vingt, bien des traditions se trouvèrent fondamentalement bousculées, parmi lesquelles la chasse à la française, alors que l'anglomanie faisait rage dans les milieux cynophiles, à aucun moment le Braque Saint Germain ne faillit disparaître. Sans devenir vraiment populaire, il fut très apprécié de la plupart des spécialistes. Certes, comme le précisait de Kermadec, « il lui manquait d'être tout à fait étranger », ou d'être vraiment polyvalent, à une époque où le nombre des chasseurs qui avaient les moyens de posséder plusieurs types de chiens, suivant qu'ils allaient en plaine, dans les bois ou au marais, était en régression.
On reprocha également à la race son manque de rusticité, ce qui est exagéré, même si sa peau fine, sa queue non écourtée (dans les milieux cynégétiques, on l'appelle parfois le Braque à queue longue) sont un peu fragiles, il est vrai, en terrains broussailleux. On lui a encore trouvé une tendance à l'obésité. Précisons tout de même pour sa défense que les connaissances nutritionnelles étaient à l'époque très rudimentaires. En réalité, pour acquérir la notoriété pendant l'entre deux guerres, il a peut-être manqué au Braque Saint Germain d'être mieux diffusé en dehors du Bassin parisien. Mais cette période fut aussi celle de tous les excès pour ce qui concernait le recours au Pointer, à tel enseigne qu'un juge anglais visitant une exposition parisienne dans les années vingt et passant devant un sujet inscrit dans une classe Braque Saint Germain se serait exclamé en le voyant : « Voilà le meilleur Pointer que j'ai vu aujourd'hui. »
Si le Braque Saint Germain n'a pas l'étendue de la quête du Pointer, sa vitesse ou ses arrêts, que l'on pourrait qualifier de cataleptiques, son nez n'en est pas moins très subtil, ses allures très soutenues et stylées. D'ailleurs, le marquis de Cherville, il y a près d'un siècle et demi, soulignait que les premiers chiens de Saint Germain étaient « très précoces, arrêtaient presque tous à six mois ». Plus tard, on lui trouvait toujours d'éminentes qualités : « Il quête au galop, évente de très loin, arrête ferme, souvent couché ou rampant, sa pose est des plus gracieuses. Il rapporte majestueusement et il est facile à dresser. » Pour Paul Mégnin, « il était l'aristocrate des chiens, le Brummel des chiens de chasse. Il forme une famille très belle, très distinguée, tout à fait élégante, c'est presque un chien de dame, tant il est joli, caressant et gracieux. En chasse, il est très intelligent et très docile, il a la quête restreinte ou longue au gré de son dresseur ». Et Mme Clergeau, il y a quelques années, concluait : « En réalité, tel qu'il est maintenant, défini et produit par quelques éleveurs consciencieux, c'est un collaborateur des plus intéressants. Agréable chien de plaine, apte à se débrouiller partout où les autres Braques trouvent à s'employer, supportant bien la chaleur, ayant meilleur nez que beaucoup et un joli style d'arrêt et d'allure, le Saint Germain possède des qualités précieuses, propres à attirer les amateurs. » L'abbé Godard lui-même ne comprenait pas les raisons pour lesquelles la race n'était pas mieux représentée dans l'Hexagone: « Il est étonnant que ce chien ne connaisse pas plus de développement, compte tenu de ses allures et de son style », à quoi K.-G. Le Moing ajoutait: « Il devrait être plus répandu en milieu chasseur. »
A toutes ces qualités de chien de chasse que des générations de spécialistes signalèrent dans leurs écrits ou commentaires s'ajoutent encore celles de chien de compagnie. A la chasse donc, comme à la ville, pourvu qu'il ait la possibilité de prendre régulièrement de l'exercice pour assouvir ses exigences sportives, le Braque Saint Germain, au demeurant typiquement français, mérite d'être apprécié aussi bien des amateurs à la recherche d'une certaine originalité que de tous ceux qui ont besoin d'un auxiliaire sur lequel ils puissent compter. |