Chien de Terre-Neuve |
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Standard FCI Nº 50 |
Origine |
Canada sous le patronage de la FCI | |
Traduction |
Prof. R. Triquet | |
Groupe |
Groupe 2 Chiens de type Pinscher et Schnauzer - Molossoïdes - Chiens de montagne et de bouvier suisse | |
Section |
Section 2.2 Molossoïdes, type montagne | |
Epreuve |
Sans épreuve de travail | |
Reconnaissance à titre définitif par la FCI |
mercredi 04 août 1954 | |
Publication du standard officiel en vigueur |
mardi 29 octobre 1996 | |
Dernière mise à jour |
mercredi 06 novembre 1996 | |
In English, this breed is said |
Newfoundland | |
Auf Deutsch, heißt diese Rasse |
Neufundländer | |
En español, esta raza se dice |
Terranova | |
In het Nederlands, wordt dit ras gezegd |
Newfoundlander |
Utilisation |
Chien de traîneau pour charges lourdes, chien d’eau. |
Bref aperçu historique |
Cette race a son origine dans l’Ile de Terre-Neuve, à partir de chiens indigènes et du grand chien d’ours noir,introduit par les Vikings après 1100. Avec l’arrivée des pêcheurs européens, diverses races ont contribué à la modeler et à lui redonner de la vigueur, mais les caractéristiques essentielles demeurèrent. Au début de la colonisation de l’île en 1610, le chien de Terre-Neuve possédait déjà en grande partie sa morphologie propre et son comportement naturel. Ces caractéristiques lui permirent de résister aux rigueurs d’un climat extrême et à l’hostilité de la mer, tandis qu’il tirait de lourdes charges sur la terre ferme ou servait de chien d’eau ou de sauveteur. |
Aspect général |
Le Terre-Neuve est un chien massif, au corps puissant, bien musclé, bien coordonné dans son action. |
Proportions importantes |
La longueur du corps, de la pointe de l’épaule à la pointe de la fesse, est supérieure à la distance du garrot au sol (hauteur au garrot). Le corps est compact. La femelle peut être légèrement plus longue et moins massive que le mâle. La hauteur de poitrine, du garrot à la partie inférieure de la cage thoracique, est légèrement supérieure à la distance entre la partie inférieure de la cage thoracique et le sol. |
Comportement / caractère |
L’expression du Terre-Neuve reflète la bonté et la douceur. Digne, joyeux et entreprenant, il est connu pour sa docilité et son calme imperturbable. |
Tête |
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Région crânienne |
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Tête |
Massive. La tête de la femelle a la même conformation générale, mais elle est moins massive. | |
Crâne |
Crâne large, au sommet légèrement bombé. L’os occipital est fortement développé. | |
Stop |
Bien visible mais jamais très marqué. |
Région faciale |
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Truffe |
Grande, bien pigmentée, aux narines bien développées. De couleur noire chez les chiens noirs et blanc et noir. De couleur marron chez les chiens marron. | |
Museau |
Nettement carré, haut et modérément court, couvert d’un poil court et fin, exempt de rides. | |
Lèvres |
Les commissures des lèvres se voient mais elles ne sont pas excessivement prononcées. Babines souples. | |
Mâchoires et dents |
Articulé en ciseaux ou bout à bout (en pinces). | |
Yeux |
Relativement petits, bien enchâssés dans les orbites. Ils sont bien écartés et ne laissent pas voir la conjonctive. Ils sont de couleur brun foncé chez les noirs et les blanc et noir. Chez les chiens marron on admet des tons plus clairs. | |
Oreilles |
Relativement petites, triangulaires, aux extrémités arrondies. Elles sont attachées bien en arrière, sur les côtés de la tête à laquelle elles sont accolées. Si on étend vers l’avant l’oreille de l’adulte, elle atteint la commissure interne de l’oeil situé du même côté. |
Cou |
Fort, musclé, bien attaché aux épaules, de longueur suffisante pour permettre un port de tête digne. Le cou ne doit pas présenter de fanon excessif. |
Corps |
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Généralité |
Le squelette est massif sans toutes ses parties. Vu de profil, le tronc est haut et vigoureux. | |
Ligne du dessus |
Droite, le dessus est ferme, du garrot à la croupe | |
Dos |
Large. | |
Rein |
Fort et bien musclé. | |
Croupe |
Large, oblique, de façon à former un angle de 30° environ. | |
Poitrine |
Large et bien descendue. | |
Côtes |
Côtes bien cintrées et bien développées. | |
Ligne du dessous |
Presque horizontale. L’abdomen n’est jamais remonté. |
Queue |
La queue fait fonction de gouvernail quand le Terre-Neuve nage. En conséquence, elle est forte et large à la base. En station debout, la queue pend en formant, le cas échéant, une légère courbe à l’extrémité. Elle atteint les jarrets ou les dépasse légèrement. Quand le chien est en action ou excité elle est portée droite avec une légère courbe vers le haut. Elle n’est jamais enroulée sur le dos ni recourbée vers l’intérieur entre les membres postérieurs. |
Membres |
Membres antérieurs |
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Généralités |
Les antérieurs sont droits et restent parallèles au pas et au petit trop. | |
Epaules |
Très musclées et bien obliques. | |
Coudes |
Bien au corps. | |
Métacarpe |
Légèrement inclinés. | |
Pieds antérieurs |
Grands, proportionnés au corps, bien arrondis, aux doigts serrés et solides. Les pieds sont palmés. Les ongles sont noirs chez les chiens noirs ou blanc et noir, de la couleur de la corne chez les chiens marron. Dans le cas de doigts de couleur blanche, les ongles ne doivent pas être noirs. |
Membres postérieurs |
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Généralités |
Pour que le chien tire des charges, nage ou couvre du terrain efficacement, la poussée dépendant largement du train arrière, la conformation du Terre-Neuve dans son arrière est de première importance. Il faut que le bassin soit fort, large et long. | |
Cuisses |
Larges et musclées. | |
Grassets |
Bien angulés mais pas au point de donner l’impression que le chien s’accroupit. | |
Jambes |
Fortes et assez longues. | |
Jarret |
Relativement courts, bien descendus et bien séparés, parallèles entre eux. Ils ne sont ni tournés en dedans ni en dehors. | |
Pieds postérieurs |
Fermés et serrés. S’il y a présence d’ergots, ceux-ci auraient dû être enlevés. |
Allures |
Le Terre-Neuve a une bonne amplitude dans l’action des antérieurs et une forte poussée de l’arrière, dégageant une impression de puissance et de facilité dans les allures. Un léger roulis du dessus est naturel. A mesure que la vitesse augmente, le chien a tendance à rapprocher les membres d’un plan médian (« piste unique »), la ligne du dessus restant horizontale. |
Robe |
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Qualité du poil |
Poil double, imperméable. Le poil de couverture est de longueur moyenne et droit, sans aucune boucle. Une légère ondulation est admise. Le sous-poil est doux et dense, plus dense en hiver qu’en été mais toujours présent dans une certaine mesure sur la croupe et le poitrail. Sur la tête, le museau et les oreilles, le poil est court et fin. Les membres antérieurs et postérieurs sont frangés. La queue est complètement recouverte d’un poil long et dense mais sans former de drapeau ( sans franges tombantes). Le toilettage n’est pas recommandé. | |
Couleur du poil |
Noir, blanc et noir, marron. Noir : La couleur traditionnelle est le noir. La couleur doit être aussi uniforme que possible, mais on admet une légère teinte bronzée. Les marques blanches sur le poitrail, les doigts et/ou à l’extrémité de la queue sont admises. Blanc et noir : Cette variété a une importance historique pour la race. On recherchera la disposition des marques suivantes: tête noire avec, de préférence, une liste blanche s’étendant sur le museau, un manteau noir avec des marques également réparties, une croupe noire et la partie supérieure de la queue de couleur noire. Les autres régions doivent être blanches et peuvent porter un minimum de mouchetures. Marron : Cette couleur va du chocolat au bronze. Les marques blanches sur le poitrail, les doigts et / ou à l’extrémité de la queue sont admises. Les sujets marron et les sujets blanc et noir seront présentés dans la même classe que les noirs. |
Taille et poids |
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Hauteur au garrot |
Moyenne de 71 cm chez le mâle et de 66 cm chez la femelle. | |
Poids |
Le poids moyen est d’environ 68 kg pour les mâles et de 54 kg pour les femelles. On recherche des sujets de grande taille mais pas au détriment de l'harmonie des formes, de la qualité générale et de la puissance de la construction ni de la beauté des allures. |
Défauts |
• Tout écart par rapport à ce qui précède doit être considéré comme un défaut qui sera pénalisé en fonction de sa gravité et de ses conséquences sur la santé et le bien-être du chien et sa capacité à accomplir son travail traditionnel. • Les défauts doivent être listés en fonction de leur gravité. |
Défauts généraux |
Chien haut sur pattes. Manque de substance. Aspect lymphatique. Ossature fine. Caractère agressif, craintif. Tête étroite. Museau en sifflet ou long. Babines prononcées. Yeux ronds, saillants, de couleur jaune, conjonctive nettement visible. Dessus carpé, mou ou ensellé. Queue courte, longue, nouée, extrémité enroulée. Région métacarpienne affaissée, pieds écrasés, panards ou cagneux, manque de palmure entre les doigts. Grassets insuffisamment angulés, jarrets de vache ou en tonneau, pieds cagneux. Allures raccourcies, chien qui traîne les pieds, qui marche en crabe, qui serre, tricote, croise devant, sort les pieds antérieurs ou les rentre nettement, allures relevées, amble. Poil peu serré. Absence de sous-poil. |
Défauts entrainant l’exclusion |
Chien agressif ou peureux. Caractère hargneux. Prognathisme supérieur ou inférieur, déviation de la mandibule. Poil court et plat. Marque de toute autre couleur que le blanc sur un chien noir ou marron. Toute autre couleur que noir, ou blanc et noir, ou marron. |
NB : |
• Tout chien présentant de façon évidente des anomalies d'ordre physique ou comportemental sera disqualifié. • Les défauts mentionnés ci-dessus, lorsqu'ils surviennent à un degré très marqué ou fréquent, sont éliminatoires. • Les mâles doivent avoir deux testicules d'aspect normal complètement descendus dans le scrotum. • Seuls les chiens sains et capables d’accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été sélectionnés, et dont la morphologie est typique de la race, peuvent être utilisés pour la reproduction. |
Bibliographie |
https://www.fci.be/ |
Historique détaillé |
Qualifier les origines du Terre-Neuve de mystérieuses peut passer pour pure perversité. En effet, tout le monde ne sait-il pas que ce gros chien noir qui excelle dans le sauvetage en mer est natif de l'île de Terre-Neuve, tout simplement ? Et bien non. Ce n'est pas si clair que cela, loin s'en faut ! En fait, les origines du Terre-Neuve représentent même une véritable énigme pour les amoureux de la race. Mais si ce chien à la conformation d'ours et à la robe de jais n'est pas originaire de Terre-Neuve, d'où vient-il ? Tout d'abord, où se trouve cette île, et à quoi ressemble-t-elle ? Terre-Neuve est aujourd'hui une province du Canada comprenant l'île proprement dite et une partie du Labrador, autre région tout aussi austère. Le surnom de « Terre des morues » que lui donna en 1497 le Vénitien Sébastien Cabot, venu en prendre possession au nom de l'Angleterre, en dit long sur le genre de population de l'île. Du poisson, certes, mais d'êtres humains, point. Pas plus que de chiens, d'ailleurs. Cet aspect désertique est confirmé par le capitaine Richard Whitbourne, qui, vers 1615, après avoir accompagné les morutiers britanniques, affirma qu'il n'existait aucune population insulaire, ni hommes, ni chiens, rien. Un siècle et demi plus tard, il est un autre témoignage, celui de sir Joseph Banks (1743 - 1820). Membre de la Royal Society de Londres, Banks connaissait chacun des 100 000 kilomètres carrés de l'île pour l'avoir sillonnée dans sa totalité. Lui aussi assura n'y avoir rencontré aucun chien autochtone pouvant être distingué de la population canine alors présente sur l'île : une population très mélangée, des chiens « en majorité bâtards avec les signes du croisement Mastiff ». Et c'est un fait que les nombreux chiens qui, à la fin du XVIIIe siècle, commencèrent à affluer en Europe, principalement en Angleterre, étaient d'allures très diverses. Toutes les teintes étaient possibles: on cite plus fréquemment les bruns, les rouges, les noirs, plus ou moins marqués de blanc, les blanc et brun, blanc et rouge, blanc et noir, et même jaune uni. Certains étaient grands, d'autres plus petits. La plupart avaient une prédilection pour le travail à l'eau. Comment tous ces chiens se sont-ils développés à Terre-Neuve ? Peut-on démêler le tissu de leurs origines depuis l'arrivée des colons européens, voire avant ? Diverses théories, dont certaines sont fort séduisantes, ont été proposées, notamment pour expliquer le caractère molossoïde de ces chiens. L'une d'entre elles attribue la paternité du Terre-Neuve à Oolum, le Chien d'Ours de Leif Eriksson, lui-même fils de l'illustre Erik le Rouge. Aux environs de l'an 1000, les Vikings atteignirent les côtes de l'Amérique (qu'ils appelèrent Vinland), peut-être jusqu'à l'actuel Maryland, et sans doute ont-ils visité l'île de Terre-Neuve. Les chiens des Vikings auraient-ils laissé des traces de leur passage dans ces régions ? Rien ne permet de l'affirmer. Une autre solution est celle que suggère la présence de nombreux pêcheurs basques à Terre-Neuve. Depuis 1504, ceux-ci avaient en effet investi l'île, au point qu'il y existe toujours une localité appelée Port-aux-Basques. Comme l'écrivit en 1824 le cynologue américain J . S. Skimmer dans The Dog and the Sportsman, les pêcheurs de Biscaye faisaient garder leurs locaux et leurs maisons par des chiens de Montagne des Pyrénées quand ils partaient au large. Ils auraient bien pu en emmener quelques spécimens au cours de leurs voyages. Cependant, l'affaire n'est pas si simple. Ainsi que le fit remarquer le docteur Luquet, vétérinaire et historien cynophile, les Terre-Neuve n'ont pas de doubles ergots aux membres postérieurs. Or, il se trouve que les Montagnes des Pyrénées en ont et que ce trait, si mineur soit-il, est considéré par les amateurs comme un signe de pureté. Par ailleurs, cet ergot est génétiquement dominant, c'est-à-dire qu’il se transmet à toute une portée lorsqu'un seul parent en est porteur. L'absence d'ergots chez les Terre-Neuve doit-elle alors invalider une théorie aussi jolie et aussi commode ? Pas forcément. Il existe de nombreux exemples où les ergots ont disparu chez une race à cause de la sélection ou au cours du temps ; c'est le cas chez les Saint-Bernard et les Dogues du Tibet. Ce détail n'écarte donc pas l'hypothèse de l'apport Montagne des Pyrénées. Mais il y a plus troublant: le 20 février 1874, le texte suivant paraissait dans le journal L'Acclimatation : « Il existe dans les Pyrénées plusieurs types de grands chiens dit chiens de montagne, et, entre autres, deux races bien distinctes. L'une que l'on pourrait désigner sous le nom de "chien des Pyrénées orientales" est particulièrement répandue aux alentours de Bagnères-de-Bigorre; elle a le museau épais, les lèvres pendantes, les oreilles arrondies, le pelage un peu crépu, blanc et noir. » La section canine du journal était placée sous la direction du colonel Dommanget et de Rohan de Kermadec, deux cynologues du plus grand sérieux, aussi les partisans du Montagne des Pyrénées purent-ils croire avoir marqué un point, car de nombreux Terre-Neuve de l'époque étaient noir et blanc, avec un pelage rappelant un peu celui de l'astrakan. Seulement, la fin de l'article est ambiguë et sème le doute. Les auteurs laissent en effet entendre que les pêcheurs auraient pu ramener des chiens de Terre-Neuve, ces derniers créant alors la variété précitée. Qui a donné naissance à qui ? Impossible de le dire. Une autre hypothèse a encore été avancée par le cynophile américain Fred Stubbart : des descendants de Dogues du Tibet seraient venus d'Asie par les îles Aléoutiennes et l'Alaska, en même temps que les ancêtres des Indiens. Cette hypothèse ; qu'aucune preuve ne vient étayer ; renvoie à celles concernant l'origine lointaine des chiens américains, qui est très controversée. Car, en Amérique, les chiens ne manquaient pas avant l'arrivée des Européens. De la Virginie au Labrador, les Indiens tenaient leurs chiens en grande estime, les chefs se faisant enterrer avec leurs favoris. Ils étaient aussi les animaux domestiques les plus utiles, puisqu'ils fournissaient fourrure, viande parfois, garde, aide pour la chasse, travail. Ainsi, le rôle de bête de trait était le commun des chiens d'Indiens. Une fois démontés, les tipis, ces grandes tentes amovibles, étaient pliés et installés sur des sortes de brancards appelés travois, tirés par des chiens. Pendant bien longtemps, les Indiens n'ont connu d'autre traction que celle du chien; ainsi, lorsqu'ils eurent domestiqué leurs premiers chevaux, ils les nommèrent immédiatement « sept chiens », d'après le rapport de travail qu'ils avaient observé entre les deux animaux. Ces chiens ne devaient pourtant pas être physiquement impressionnants ni étranges, puisque, malgré l'exagération et le détail des récits de colons concernant les mœurs indiennes, aucun ne fait état des chiens en particulier. On présume que, loin du molossoïde, ils étaient plutôt de type primitif, genre Spitz, de toute façon lupoïde. Dans les régions bordant la côte Est, les chiens étaient aussi utilisés à la pêche. Vraisemblablement de taille moyenne, bruns, noirs, jaunes, robustes, ils étaient tout à fait à l'aise dans l'eau glacée. Lorsque les Européens arrivèrent dans les parages, à partir du XVIe siècle, pour pêcher la morue, ils firent appel à eux pour rattraper les poissons échappés de leurs filets. Ces chiens furent donc implantés à Terre-Neuve, où leur résistance et leurs aptitudes à l'eau se développèrent encore. C'est notamment de ces chiens, ou plutôt de leurs descendants, que, plus tard, seraient issus les Retrievers. Il en serait ainsi du Chesapeake Bay Retriever, dont la légende attribue la paternité au Terre-Neuve. La race devrait son existence au naufrage d'un brick anglais près des côtes du Maryland en 1807. Un couple de Terre-Neuve (l'un noir, l'autre, marron) se serait trouvé à bord et serait resté dans la région. Croisé aux chiens locaux, il aurait donné naissance au Chesapeake. Pour ce qui est du Labrador-Retriever, c'est vers 1820 que le comte de Malesbury acheta ses premiers chiens d'eau sur les quais de Poole, le port du Sud de l'Angleterre où l'on débarquait les produits de Terre-Neuve. Questionné sur la race de ces chiens, le vendeur répondit sans hésitation qu'il s'agissait de « chiens du Labrador », appellation que le comte leur donna donc et qui leur est restée. Il existe d'ailleurs une grande similitude physique entre le Terre-Neuve et le Labrador. Un propriétaire de Labrador disait ainsi de son chien: « C'est un petit Terre-Neuve sans grands poils. » Entre-temps, il est indubitable que les pêcheurs puis les colons, tant français qu'anglais, avaient introduit dans l'île de Terre-Neuve des chiens européens de types fort divers. Ainsi, le Barbet, très ancienne race de chien d'eau français (et ancêtre du Caniche), est souvent cité. Cette hypothèse est prêchée par Benion, lorsqu'il affirme en 1861 que le Terre-Neuve « est un chien issu du Mâtin et du Barbet », et partagée par J. -C. Hermans, lequel note que de nombreux bateaux français avaient un Barbet à bord. Que penser du manque quasi total de ressemblance entre les deux races ? Le Terre-Neuve d'antan n'était certainement pas le chien massif d'aujourd'hui. Apprécié pour ses qualités et non pour son physique, il était loin d'avoir un type homogène. Parmi les chiens de Terre-Neuve débarquant en Angleterre à partir de 1815, on dit que les plus beaux venaient d'établissements français dits « des Trois Montagnes » et que leur épaisse fourrure noire plus ou moins frisée rappelait l'astrakan. Alors ce poil, résurgence de Barbet ? Les chiens anglais, quant à eux, ont certainement contribué pour une grande part à l'aspect molossoïde du Terre-Neuve. Louis XIV ayant abandonné ses droits sur l'île à l'Angleterre en 1713, les colons britanniques se mirent à exploiter l'.intérieur des terres, et ils amenèrent leurs chiens avec eux. S'il y eut sans doute des chiens de chasse, tels que des Spaniels, la nature de la plupart de ces animaux n'est pas un grand mystère, car on sait qu'ils étaient utilisés à tirer charrettes, petits attelages et traîneaux. Les colons transportaient ainsi toutes sortes d'effets et de matériaux. Ces chiens devaient donc être fort puissants, probablement du type mâtin; Mastiffs, Saint-Bernard et autres molossoïdes furent donc importés dans l'île. A Terre-Neuve, les chiens devinrent alors si nombreux que, en 1780, le gouverneur, Mr. Edwards, limita la population canine en imposant un seul chien par foyer, tandis que la Cour des cessions décidait de faire abattre tout chien non muselé. Ces mesures drastiques, intensifiées en 1815, provoquèrent l'exportation des chiens de Terre-Neuve vers l'Europe. Il n'est guère étonnant, au vu de la complexité des origines attribuées aux Terre-Neuve, de la variété des tâches auxquelles ils étaient employés sur leur île, soit dans l'intérieur, soit sur les côtes, du nombre des croisements qui ne manquèrent pas de s'opérer entre tous ces chiens, que les spécimens découverts par les Anglais au début du XIxe siècle aient été si divers d'aspect et de taille. C'est par sélection que le Terre-Neuve allait devenir la race que nous connaissons. Pendant cinquante ans, avant le début des expositions canines, les éleveurs britanniques utilisèrent divers chiens de montagne pour affirmer le caractère molossoïde du Terre-Neuve, entre autres le Saint-Bernard, appelé alors Mastiff Alpin. Echange de bons procédés, puisqu'un couple de Terre-Neuve sauvera la légendaire race de l'extinction en 1856. Papa Terre-Neuve et maman Saint-Bernard relanceront l'élevage appauvri, feront naître le Saint-Bernard à poil long, aujourd'hui paradoxalement plus populaire que son frère à poil court, pourtant variété d'origine. Il a été écrit que le Leonberg aurait pu participer à la perfection du Terre-Neuve, mais, n'étant pas encore parvenu Outre-Manche à cette époque, il n'a pas pu être mis à contribution. Le mot de la fin de ce passé trouble appartient au spécialiste américain James Watson, qui déclarera en 1900 : « Le Terre- Neuve est une version anglaise moderne développée à partir de différentes sortes de chiens communs, de couleurs de robe et de tailles variées. » A partir de 1860, tout devient plus clair. Le Terre-Neuve est alors considéré comme race à part entière, et, cette année-là, six sujets font impression à l'exposition canine de Birmingham (une des toutes premières). Sa réputation de sauveteur l'ayant précédé, il devient le chien à la mode. Tout le monde s'intéresse à lui : sir Edwin Landseer lui rendra l'hommage que l'on sait, tandis que d'autres artistes, et non des moindres (tel le poète Burns), le célébreront. Autre patronage apprécié, celui du prince de Galles, qui expose six Terre-Neuve à l' Agricultural Hall en 1864. En 1878, le Kennel Club enregistre officiellement ses premiers Terre-Neuve, et l'année 1886 voit la création du Club de race, un des plus anciens en Angleterre à ce jour. Il se charge immédiatement de rédiger un standard valable. Mais la beauté du Terre-Neuve n'est pas ce qui plaît le plus au public, qui demande des démonstrations de sauvetage. Ces manifestations se développent tellement que M. C. Marshal décide de les réglementer et crée des trials « spécial Terre-Neuve » mis en pratique à Maidstone et à Portsmouth. Le programme en est très éprouvant, car il requiert courage, intelligence et puissance de la part du chien, qui doit plonger et ramener un objet, remorquer embarcations et personnes, et enfin remonter le courant ou la marée en un minimum de temps. De nombreux grands élevages s'expriment à travers leurs produits au cours de cette période, et la race en profite pour se propager en Suisse, en Belgique, en Italie, en Hollande, en Allemagne et bien sûr en France où elle est déjà bien représentée. Il faudra pourtant attendre 1963 pour voir se créer un Club de race dans l'Hexagone. Le premier concours de travail a eu lieu en 1977 dans la Somme, et son programme a été adopté par la Société centrale canine en 1981. Le Terre-Neuve a été affecté à la surveillance des plages dans certaines régions, mais son attachement à un seul maître (d'où la difficulté d'en changer, fait pourtant fréquent dans l'administration) et son prix de revient assez important ont mis fin à l'expérience. Les Américains ne se sont pas découragés aussi facilement, et ils ont employé le Terre-Neuve comme chien-guide d'aveugle et aussi comme chien pour handicapé. Le budget nécessaire pour entretenir un si gros chien est bien sûr un obstacle à des utilisations de ce genre, même si le Terre-Neuve y excelle. Les Etats-Unis, l'Allemagne et le Canada poursuivent néanmoins leurs programmes avec lui. Une histoire bien compliquée pour un chien si franc. Très apprécié en France, le Terre-Neuve représente aujourd'hui aux yeux du public le nounours débonnaire, ce qu'il est à ses heures. On n'oubliera cependant pas qu'il est issu de chiens durs, dont le labeur exigeait des tempéraments solides et des qualités évidentes. Personne ne pouvait, au sujet du Terre-Neuve, conclure avec plus d'admiration et d'élégance que lord Byron lui-même, qui fit à son chien Boatswain l'épitaphe suivante : « Il est celui qui possède la beauté sans la vanité, la force sans l'insolence, le courage sans la férocité, toutes les vertus de l'homme sans ses vices. » Certains le croient féroce, d'autres, débonnaire. Une telle masse, des yeux si bons, une fourrure si abondante le font parfois passer pour un simple nounours, alors que ses pattes puissantes, sa tête énorme et ses mâchoires impressionnantes peuvent faire peur. Alors, le Terre-Neuve, brute ou chien en peluche ? Terre-Neuve tout simplement. Ce qu'il faut souligner lorsqu'on parle du Terre-Neuve, c'est son côté doux et vraiment gentil. Un chien ne devient pas sauveteur sans un certain amour de l'homme. C'est donc un chien bon et sociable que ce géant noir. Avec ses maîtres, par exemple, il n'y a pas plus affectueux qu'un Terre-Neuve. Cette affectivité peut devenir débordante, dans tous les sens du terme, car un colosse de 65 kilos qui vient vous faire un petit câlin on le sent passer ! Pourtant, le Terre-Neuve n'est jamais brutal. Comme beaucoup de très gros chiens, il semble conscient de sa masse et se montre relativement respectueux des intérieurs et des personnes. Un des traits principaux du Terre-Neuve, c'est sa fidélité. Très attaché à un maître, il aura bien du mal à en accepter un autre, d'où l'impossibilité de l'utiliser dans l'administration, où chiens et maîtres se rencontrent et se quittent fréquemment. Bien sûr, ce trait de caractère ne l'empêche pas de travailler, et même très bien, avec d'autres personnes que son maître, à l'eau par exemple, mais c'est à condition qu'il retrouve son maître et sa famille par la suite. Dans le même ordre d'idées, le Terre-Neuve supporte difficilement le chenil. De même, 's'il est appelé à rester seul pendant la journée, un apprentissage « spécial solitude » lui permettra de mieux vivre cette séparation quotidienne. Bien évidemment, il est préférable que le Terre-Neuve dispose d'un jardin, car faire habiter un tel animal en appartement n'est pas franchement conseillé. Tout grand chien devrait bénéficier d'un habitat adapté. Cependant, le Terre-Neuve n'est pas un chien hyperactif; il demande moins à se dépenser qu'un Berger Belge, par exemple, qui est pourtant de beaucoup plus faible gabarit. Les besoins physiques d'un chien dépendent non seulement de sa masse, mais aussi de son influx nerveux. Etant un molossoïde, donc un chien assez placide, le Terre-Neuve n'a pas besoin de s'ébattre dans les bois deux heures par jour. Trois sorties hygiéniques plus une bonne balade dans un espace vert chaque jour sont suffisantes. Le Terre-Neuve aime jouer. Ainsi ; c'est là son côté retriever souvent méconnu ; il rapporte l'objet qu'on lui lance et même, pourquoi pas, cherche ses maîtres dissimulés derrière un arbre. Mais, bien sûr, son grand plaisir, c'est l'eau. Il faut le voir plonger avec délice dans les eaux les plus fraîches. Les vacances à la mer sont pour lui un bonheur extraordinaire. Il suit tous les membres de la famille, fendant les vagues de son poitrail puissant, allant chercher le ballon. Si vous en avez l'occasion, ne manquez pas de le mettre à l'eau, il n'en sera que plus équilibré et plus heureux. L'équilibre est aussi son fort dans sa vie sociale. Sans agressivité envers les étrangers, il peut être promené dans une foule sans causer le moindre dommage, car il ne s'intéresse même pas aux passants. Vos amis seront les siens après qu'il aura vérifié leurs bonnes intentions. Il adore les enfants: ceux du voisin pourront le caresser sans crainte. Peut-il garder la maison ? Enorme, noir dans la plupart des cas, la tête massive et la babine suggérant une impressionnante mâchoire, il fait le plus dissuasif des cerbères, même si son efficacité réelle en temps que gardien est en-deçà de ses talents d'intimidation. Devant un étranger désireux d'entrer, il se contente d'aboiements gutturaux et paisibles, lesquels, d'ailleurs, sont en général plus que suffisants pour décourager tout intrus mal intentionné. D'un naturel doux, le Terre-Neuve se révèle exceptionnel avec les enfants. Il mesure soigneusement ses mouvements pour ne jamais les brusquer. Il guide volontiers les tout petits lorsqu'ils effectuent leurs premiers pas, accrochés à son épaisse fourrure, et il est un excellent compagnon pour les plus grands, participant à tous leurs jeux, jusqu'à épuisement des deux parties. Cependant, le Terre-Neuve, comme tout molossoïde qui se respecte, apprécie également la sieste, aussi, à la grande déception de ses petits compagnons de jeu, il interrompra parfois la partie pour aller faire un somme sur le tapis le plus moelleux de la maison. Les autres chiens ne lui posent aucun problème puisqu'ils ne peuvent représenter une menace pour lui. Les réactions agressives sont à surveiller plutôt chez les plus petits que lui, lesquels préfèrent souvent prévenir que guérir et, se sentant en infériorité, cherchent à l'impressionner. Les chats et les autres animaux seront ses amis à la condition expresse qu'il y soit habitué jeune et qu'on lui interdise fermement de les poursuivre, même pour jouer. Cela nous amène au chapitre de l'éducation. Le Terre-Neuve est-il un bon élève ? Question légitime, car un animal de sa taille pourrait facilement en profiter pour s'imposer à ses maîtres. Le Terre-Neuve, lui, n'a pas cette tendance, mais, pour éviter tout risque, il est impératif de commencer à l'éduquer très jeune. Sans qu'il soit question de dressage, l'apprentissage des ordres de base (assis, couché, au pied, pas bouger, etc.) se révèle excellent, car il assouplit le chien et l'habitue à obéir. De plus, le Terre-Neuve étant à la base un chien d'utilité, le confiner dans un rôle de chien de compagnie serait bien mal comprendre sa nature. Ce chien s'épanouit en travaillant. Bien sûr, il préfère le travail à l'eau. C'est pourquoi de plus en plus de propriétaires entraînent leur chien à ce genre d'exercice. Sinon, il travaillera à terre. Apprenez-lui à rapporter divers objets, apparents ou cachés. Toute gymnastique intellectuelle l'aidera à rester jeune et vif toute sa vie et vous assurera son total attachement. Voyez comme il est heureux de tirer ses petits maîtres dans une charrette ou d'apprendre à aller chercher un journal. Il va de soi qu'une certaine fermeté est nécessaire avec un animal de ce gabarit. Pour ne jamais avoir de conflit d'autorité avec un Terre-Neuve, il faut lui faire comprendre dès son plus jeune âge que ce n'est pas lui qui commande. Cela n'est en rien contre nature, au contraire, car c'est ainsi que s'organisent les chiens sauvages, en meutes fortement hiérarchisées où tout conflit est évité et où les combats sont extrêmement rares. Soyez gentil mais résolu avec votre chiot et érigez des interdits (fauteuils, lits, mendicité à table, aboiements intempestifs…), qui lui montreront que vous êtes un chef et qu'il peut se fier à vous. Ces bases une fois établies, la cohabitation devrait être idéale, car le Terre-Neuve est un chien docile. Même les réprimandes (inévitables un jour ou l'autre) passeront très bien, car il saura qu' il les a méritées, à condition évidemment qu'elles soient justes, sans quoi il perdrait cette précieuse confiance en vous. Mais, tout cela n'est pas un problème et procède d'une éducation bien conduite. Le Terre-Neuve est donc un chien plutôt facile, compte tenu de sa stature. Très doux, intelligent, apprenant vite, il sera un merveilleux compagnon pour un maître digne de ce nom. Le principal est de le considérer comme un membre de la famille à part entière. Il le mérite. |