Le Cairn Terrier est en France le plus populaire des Terriers d'Ecosse. C'est aussi, pour la très grande majorité des spécialistes, le type originel !
Son nom lui vient du mot gaélique cairn, qui désigne les monticules de terre, qu'il s'agisse d'éboulis naturels ou de pierriers édifiés pour indiquer un passage en montagne ou borner une propriété. Les vrais cairns, cependant, sont beaucoup plus anciens : dès l'âge du bronze (Ile millénaire avant J-C.), ils sont intimement liés à l'univers des peuples celtes qui les considéraient comme les résidences des dieux. Peu avant l'ère chrétienne, lorsqu'elles furent arrêtées par les pictes dans leur conquête de la Calédonie (la future Ecosse), les légions romaines édifièrent à leur tour des tertres, faits de pierres et de terre, pour enterrer leurs morts.
La tradition voulut ensuite que le voyageur qui passait à proximité de ces monticules dût y déposer une pierre afin de se concilier les bonnes grâces des disparus, sous peine de voir son périple semé d'embûches.
Avec le temps, les tertres furent progressivement abandonnés, oubliés même. Ils étaient recouverts d'épais ronciers et de buissons impénétrables, mais n'offraient pas moins, pour les renards, les blaireaux et autres animaux qui creusaient des terriers ou qui cherchaient un gîte, un refuge inexpugnable. Vraiment inexpugnable? Pour la plupart des chiens, oui. Mais non pour ceux de petite taille, aux courtes pattes, qui étaient parfaitement protégés par une fourrure hirsute et qui, tout naturellement, prirent le nom de leur territoire d'élection.
Cependant, force est de constater que, si la chasse sous terre et les chiens Aqui y étaient employés étaient connus dès le Moyen Age ou même antérieurement, aucun chroniqueur ni barde ne se soucia alors de les évoquer. Vraisemblablement répandus tout d'abord dans l'île de Skye (appartenant à l'archipel des Hébrides, à l'ouest de l'Ecosse), ces chiens furent mentionnés dans la seconde moitié du XVIe siècle par John Keys (nom latinisé en Joannes Caius) puis par George de Tuberville, qui les décrivirent comme des sujets à poil rude, poursuivant le gibier jusque sous terre, qui firent même référence au célèbre Agasse, cité par le Romain Oppien dans ses Cynégétiques au IIe siècle avant notre ère.
Ce n'est qu'au XVIIe siècle que l'on retrouve trace de ces chiens. En 1600, en effet, le roi d'Ecosse Jacques VI (roi d'Angleterre sous le nom de Jacques I er) offrit plusieurs couples à la robe blanche (des Whites Doggies) à la cour de France, dont il était proche par sa mère Marie Stuart, tandis que les MacLeod, du clan des Drynoch habitant l'île de Skye, possédaient leurs propres lignées, d'ailleurs fort réputées. Deux siècles plus tard, en 1840 précisément, Martin MacLeod, qui quittait l'île de Skye pour émigrer au Canada, emmena avec lui sa meute de Cairns qu'il fit connaître Outre-Atlantique. Au musée d'Inverness, enfin, un tableau intitulé Le Chien favori, daté de 1845 et peint par Rosa Bonheur, montre un Cairn typique, vu de trois quarts et appuyé sur son antérieur droit.
A l'évidence, le Cairn Terrier fut donc longtemps l'apanage des grandes familles d'Ecosse, depuis celle des ducs d'Argyll jusqu'à celle du clan des MacDonald, cette dernière étant citée par le célèbre cynologue Pierre Mégnin pour prouver l'existence fort ancienne de la race. Mais au XIxe siècle, ce chien devint beaucoup plus populaire, puisqu'il fut, entre 1875 et 1883, la mascotte de l'équipe de cricket d'Aberdeen.
Ce chasseur acharné de blaireaux et de renards dans les Highlands excellait aussi dans la poursuite de la loutre, et, dans les maisons, les fermes et les écuries, il était le destructeur attitré des rats, des souris, des belettes et des putois, à telle enseigne que le cynophile F. T. Barton écrivit qu'il était le « plus ancien des vermin killers».
En 1860, ce chien fut présenté pour la première fois à l'exposition d'Inverness sous le nom de « Skye Terrier à poil court », dénomination qui avait été choisie en raison de son île originelle où l'on trouvait fort logiquement les sujets les plus typiques. Toutefois, déjà, avant cette date, un autre Terrier originaire de l'île de Skye avait acquis une solide réputation, notamment grâce à son poil soyeux et long, qui avait attiré l'attention de la reine Victoria elle-même, laquelle avait décidé, à partir de 1842, de pratiquer l'élevage de ce chien, le vrai Cairn Terrier.
Le Cairn Terrier ne pouvait donc pas acquérir un statut de race sous le nom de Skye Terrier, en dépit d'une mention distinctive sur la nature de son poil. De toute façon, les éleveurs du vrai Skye Terrier lui déniaient toute parenté avec leur chien favori, pour lequel ils redoutaient l'apparition d'un cousin au poil hirsute, sorti tout droit d'un terrier mais susceptible de revendiquer la palme de l'ancienneté. De son côté, enfin, le Kennel Club ne voulait à aucun prix entendre parler d'un Terrier de travail venant de l'île de Skye et dénommé Cairn Terrier, appellation que les brillants responsables cynophiles jugeaient par trop imprécise.
Pris entre le Kennel Club et les partisans du Skye Terrier, les fervents du Cairn durent polémiquer pas moins d'un demi siècle pour que ce chien reçoive enfin le droit de porter officiellement son nom traditionnel.
Si ce délai fut aussi long, ce fut essentiellement parce que, dans l'esprit des cynophiles, le Cairn, honnête travailleur, n'était pas suffisamment distingué pour être admis dans le club des Terriers d'Ecosse. Le 27 mai 1912, néanmoins, le comité du Kennel Club décidait de lui ouvrir son livre généalogique: le premier sujet à y figurer répondait au nom de Nisbet et appartenait au Major Ewing. Le succès populaire du Cairn Terrier n'en fut pas pour cela immédiat, puisqu'en 1922, c'est-à-dire dix années après sa reconnaissance officielle, 141 sujets seulement avaient été enregistrés au Kennel Club.
On a souvent dit que le Cairn Terrier était plus ou moins apparenté au Terrier Ecossais (Scottish Terrier), au West Highland White Terrier, et même au Dandie Dinmont Terrier. Rappelons d'ailleurs à ce sujet que Thomas Bell, en accord avec nombre de spécialistes de son époque, écrivit en 1837 dans l'ouvrage History 0f British Quadrupeds qu'il n'existait que deux types de Terriers: l'un au poil court et lisse, avec une silhouette assez fine, une robe noir et feu, ou blanche; l'autre au poil hirsute de teintes variées et aux membres courts et solides. C'est ce second chien, proche du Cairn Terrier, qui devint, par suite de sélections appropriées, le Terrier Ecossais (issu d'un croisement avec l'Aberdeen Terrier aujourd'hui disparu et le West Highland White Terrier (qui, lui, plus précisément, n'est qu'une simple sélection de Cairns blancs). Les cynophiles qui avancent ainsi la théorie selon laquelle le Cairn Terrier est l'un des types originels de Terriers veulent pour Pleuve que, dans le premier standard du Terrier Ecossais publié en 1880, il est mentionné à la rubrique des couleurs que la plus souhaitable est le roux bringé avec l'extrémité des oreilles et le museau noirs, une couleur typique de l'actuel Cairn ! D'ailleurs, R. Juteau, spécialiste des chiens de déterrage, indique que le Cairn Terrier doit être considéré « comme la doyenne des variétés de Terriers d'Ecosse et sans doute le type originel».
Le Cairn Terrier est connu depuis longtemps en France. Dès, 1928, avant que le Club des amateurs de Terriers d'Ecosse ne voie le jour, des éleveurs français, dont les descendants continuent aujourd'hui la vaste entreprise, l'avaient adopté. Certains amateurs, en outre, ont réussi à en faire un chien de déterrage. Dans un ouvrage paru en 1957 et consacré à ce type' de chiens, René Depoux écrit: « J'ai, pendant la saison 1955-1956, vu au travail une minuscule Cairn, répondant au nom de Truffe. Cette petite chienne qui ne devait pas peser beaucoup plus de quatre kilos était excellente sur le blaireau, avec un ferme très soutenu, tenant peut-être les abois un peu loin, mais compensant ce défaut par une connaissance astucieuse du contre-déterrage qu'elle savait indiquer avec beaucoup d'intelligence.»
Il n'empêche que, aussi bien en France que dans les autres pays, le Cairn Terrier n'est plus guère utilisé dans son métier originel. Son succès, il le doit essentiellement à son aspect demeuré naturel et rustique et à son caractère alerte et joyeux. Notons cependant qu'il est la seule race, en dehors du Fox Terrier, du Jagd Terrier et du Teckel, à compter quelques représentants travaillant au terrier. |