Chien de montagne des Pyrénées

Standard FCI Nº 137

Origine
France
Groupe
Groupe 2 Chiens de type Pinscher et Schnauzer - Molossoïdes - Chiens de montagne et de bouvier suisse
Section
Section 2.2 Molossoïdes, type montagne
Epreuve
Sans épreuve de travail
Reconnaissance à titre définitif par la FCI
mardi 25 janvier 1955
Publication du standard officiel en vigueur
mardi 13 mars 2001
Dernière mise à jour
lundi 02 avril 2001
In English, this breed is said
Pyrenean Mountain Dog
Auf Deutsch, heißt diese Rasse
Pyrenäen Berghund
En español, esta raza se dice
Perro de montaña de los Pirineos
In het Nederlands, wordt dit ras gezegd
Pyreneese Berghond

Utilisation

Chien de protection du troupeau en montagne.

Bref aperçu historique

Présent dans les Pyrénées depuis des temps immémoriaux, connu au Moyen Âge et utilisé comme gardien de châteaux, il est mentionné par Gaston Phoebus au XIVe siècle. Déjà apprécié comme chien de compagnie au XVIIe siècle, il connut la gloire à la cour de Louis XIV. La première description détaillée de ce chien date de 1897 dans le livre du Comte de Bylandt. Dix ans plus tard sont créés les premiers clubs de race et en 1923 la Réunion des Amateurs de Chiens Pyrénéens, à l’initiative de M. Bernard SÉNAC-LAGRANGE, fait enregistrer le standard officiel auprès de la S.C.C. Le standard actuel est encore très proche du standard élaboré en 1923, ce sont surtout des précisions qui y ont été apportées.

Aspect général

Chien de grande taille, imposant et fortement charpenté, mais non dépourvu d'une certaine élégance.

Proportions importantes

• La largeur maximale du crâne est égale à sa longueur.
• Le museau est légèrement plus court que le crâne.
• La longueur du corps de la pointe de l’épaule à la pointe de la fesse est légèrement supérieure à la hauteur du chien au garrot.
• La hauteur de la poitrine est égale à la moitié de la hauteur au garrot ou légèrement inférieure.

Comportement / caractère

Utilisé pour assurer seul la protection des troupeaux contre les attaques des prédateurs, sa sélection a reposé sur ses aptitudes à la garde et à la dissuasion, autant que sur son attachement au troupeau. Les principales qualités qui en résultent sont la force et l’agilité ainsi que la douceur et l’attachement à ceux qu’il protège. Ce chien de protection a une propension à l’indépendance et un sens de l’initiative qui requièrent de la part de son maître une certaine autorité.

Tête

Région crânienne

Tête
Pas trop forte en comparaison de la taille. Les côtés de la tête sont assez plats.
Crâne
La largeur maximale du crâne est égale à sa longueur. Il est légèrement bombé du fait de la crête sagittale perceptible au toucher. La protubérance occipitale étant apparente, le crâne en sa partie postérieure a une forme ogivale. Les arcades sourcilières ne sont pas marquées, le sillon médian est à peine perceptible au toucher entre les yeux. 
Stop
Il est en pente douce.

Région faciale

Truffe
Elle est entièrement noire.
Museau
Il est large, légèrement plus court que le crâne, s’amenuisant progressivement vers son extrémité. Vu de dessus il a la forme d’un V à la pointe tronquée. Il est bien rempli sous les yeux.
Lèvres
Elles sont peu tombantes et recouvrent juste la mâchoire inférieure. Elles sont noires ou très fortement marquées de noir, ainsi que le palais.
Mâchoires et dents
La denture doit être complète, les dents saines et blanches. L’articulé est en ciseaux (les incisives supérieures recouvrent les incisives inférieures sans perte de contact). L'articulé en tenaille ainsi que les deux pinces inférieures basculées vers l’avant sont admis.
Yeux
Il sont plutôt petits, en amande, légèrement obliques, d'expression intelligente et contemplative et de couleur brun ambré. Les paupières ne sont jamais lâches, elles sont bordées de noir. Le regard est doux et rêveur.
Oreilles
Elles sont placées à hauteur de l'œil, assez petites, de forme triangulaire, et s'arrondissent à leur extrémité. Elles tombent à plat contre la tête, et sont portées un peu plus haut lorsque le chien est en éveil.

Cou

Fort, assez court, avec des fanons peu développés.

Corps

Généralité
La longueur du corps de la pointe de l’épaule à la pointe de la fesse est légèrement supérieure à la hauteur du chien au garrot. La hauteur du sternum au sol est à peu près égale à la moitié de la hauteur au garrot mais jamais inférieure.
Profil supérieur
Il est bien soutenu.
Garrot
Il est large.
Dos
Il est de bonne longueur, solide.
Rein
Il est de longueur moyenne.
Croupe
Elle est légèrement oblique avec des hanches assez saillantes.
Poitrine
Elle n’est pas trop descendue, mais large et profonde. Elle descend au niveau du coude, pas plus bas, sa hauteur est égale ou légèrement inférieure à la moitié de la hauteur du chien au garrot.
Côtes
Les côtes sont légèrement arrondies.
Flanc
Il est peu descendu.

Queue

Elle descend au moins à la pointe du jarret. Elle est touffue et forme panache, elle est portée basse au repos, avec son extrémité formant crochet de préférence. Elle se relève sur le dos en s’arrondissant fortement, seule son extrémité touchant le rein (en faisant la roue, « arroundera » selon l’expression des Montagnards Pyrénéens) quand le chien est en éveil.

Membres

Membres antérieurs

Généralités
Ils sont d’aplomb, forts.
Epaules
Elle est moyennement oblique.
Bras
Il est musclé, de longueur moyenne.
Avant-bras
Il est droit, fort et bien frangé.
Carpe
Le poignet est dans le prolongement de l’avant-bras.
Métacarpe
Il est légèrement oblique.
Pieds antérieurs
Il est peu allongé, compact, avec les doigts un peu cambrés.
Les membres antérieurs portent parfois des ergots simples ou doubles.

Membres postérieurs

Généralités
Les postérieurs présentent des franges plus longues et plus fournies que les antérieurs. Vus de derrière ils sont perpendiculaires au sol.
Cuisses
Elle est bien musclée, pas très longue et moyennement oblique, « gigotée ».
Grassets
Il est moyennement angulé et dans l’axe du corps.
Jambes
Elle est de longueur moyenne et forte.
Jarret
Il est large, sec, moyennement coudé.
Pieds postérieurs
Il est peu allongé, compact, avec les doigts un peu cambrés.
Les membres postérieurs portent chacun des ergots doubles et bien constitués.

Allures

La démarche du chien de montagne des Pyrénées est puissante et aisée, jamais empreinte de lourdeur, le mouvement est plus ample que rapide, et non dénué d’une certaine souplesse, ni d’une certaine élégance. Les angulations de ce chien lui permettent des allures soutenues.

Peau

Epaisse et souple, elle présente souvent des taches de pigmentation sur tout le corps.

Robe

Qualité du poil
Il est bien fourni, plat, assez long et souple, assez crissant sur les épaules et le dos, plus long à la queue et autour du cou où il peut onduler légèrement. Le poil de la culotte, plus fin et plus laineux est très fourni. Le sous-poil est également bien fourni.
Couleur du poil
Elle est blanche ou blanche avec des taches d’apparence grise ( poil de blaireau ou louvet) ou jaune pâle, ou orange (« arrouye ») en tête, aux oreilles et à la naissance de la queue et parfois sur le corps. Les taches poil de blaireau sont les plus appréciées.

Taille et poids

Hauteur au garrot
De 70 à 80 cm pour les mâles et de 65 à 72 cm pour les femelles. Une tolérance de 2 cm au-dessus est admise pour les sujets parfaitement typés.
Poids
Environ 60 kg pour les mâles et environ 45 kg pour les femelles.

Défauts

• Tout écart par rapport à ce qui précède doit être considéré comme un défaut qui sera pénalisé en fonction de sa gravité et de ses conséquences sur la santé et le bien-être du chien et sa capacité à accomplir son travail traditionnel.
• Les défauts doivent être listés en fonction de leur gravité.

Défauts généraux

 Aspect général donnant une impression de lourdeur, sans distinction.
 Chien gras, mou, lymphatique.
 Tête trop lourde, de forme rectangulaire.
 Crâne trop large, front bombé.
 Stop trop marqué ou inexistant.
 Lèvres trop descendues formant babine.
 Pigmentation insuffisante de la truffe, du bord des paupières et des lèvres.
 Yeux ronds, clairs, enfoncés ou proéminents, trop grands ou trop petits, trop rapprochés ou trop écartés.
 Troisième paupière visible.
 Expression dure.
 Oreilles larges, longues, papillotées, plissées, portées rejetées en arrière, attachées haut.
 Cou grêle, un peu long, ou, au contraire, trop court, donnant l’impression que la tête est dans les épaules.
 Fanon trop prononcé.
 Dessus ensellé ou voussé, plongeant, ventre levretté ou tombant.
 Poitrail trop large ou trop étroit, côte plate ou, au contraire, en tonneau.
 Queue peu fournie ou mal portée, trop courte ou trop longue, sans panache, ne faisant pas la roue en action, ou la faisant continuellement, même au repos.
 Membres antérieurs panards ou cagneux.
 Angle scapulo-huméral trop ouvert.
 Membres postérieurs panards ou cagneux.
 Jarret droit, ou excessivement angulé.
 Pieds longs, plats.
 Poil court ou frisé, soyeux, mou, absence de sous-poil.

Défauts entrainant l’exclusion

 Chien agressif ou chien peureux.
 Autres couleurs que celles indiquées dans le standard.
 Truffe d’une couleur autre qu’absolument noire.
 Prognathisme supérieur ou inférieur, ou toute malformation des mâchoires.
 Ladre aux paupières, œil jaune.
 Absence d'ergots, ergot simple ou ergot double atrophié aux postérieurs.
 Taille en dehors des limites.

NB :

• Tout chien présentant de façon évidente des anomalies d'ordre physique ou comportemental sera disqualifié.
• Les défauts mentionnés ci-dessus, lorsqu'ils surviennent à un degré très marqué ou fréquent, sont éliminatoires.
• Les mâles doivent avoir deux testicules d'aspect normal complètement descendus dans le scrotum.
• Seuls les chiens sains et capables d’accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été sélectionnés, et dont la morphologie est typique de la race, peuvent être utilisés pour la reproduction.

Bibliographie

http://www.fci.be/

Historique détaillé

Le Chien de Montagne des Pyrénées est le chien français le plus connu dans le monde. Il est aussi, comme le petit Berger des Pyrénées avec lequel on le confond parfois, celui qui est resté le plus près de ses racines régionales.

Comme tendrait à le prouver la mise au jour d'ossements de tels chiens dans des sites archéologiques datant de 1800 à 1000 avant J . -C., le Montagne des Pyrénées serait présent dans les hautes vallées du sud-ouest de la France depuis l'âge du bronze, découverte qui anéantit du même coup la thèse de certains auteurs selon laquelle ce chien aurait été introduit en Espagne par les Phéniciens, notamment par leur comptoir de Cadix. Le Montagne des Pyrénées, implanté donc dans cette région de la France, n'en serait sorti, en dehors de quelques circonstances exceptionnelles et remarquées, que depuis une centaine d'années.

Pour ce qui est de ses origines proprement dites, il est fort probable que son ancêtre vient d'Asie centrale et qu'il descend du Dogue du Tibet. Si la route est longue depuis les hauts plateaux tibétains jusqu'aux Pyrénées, elle n'en est pas moins jalonnée de chiens de montagne dont la parenté est plus qu'évidente avec le Patou (surnom affectueux mais péjoratif donné à la race par les montagnards pyrénéens), parenté que le célèbre spécialiste canin Senac-Lagrange avait déjà remarquée dès 1908. Ainsi, d'Afghanistan à la Turquie, en passant par l'Iran et le Caucase, puis de Yougoslavie aux hauts reliefs espagnols et portugais, en passant par la Tchécoslovaquie, les Alpes et les Pyrénées, évoluent divers types de chiens analogues en bien des points et qui répondent aux noms de Leonberg, Berger des Tatras, Berger des Abruzzes et de Maremme, Kuvasz, Komondor, Saint-Bernard et Chien de Montagne des Pyrénées.

De façon très significative encore, la carte de répartition des chiens de montagne en Europe reproduit fidèlement celle concernant la présence des derniers grands prédateurs, tels que les ours, les lynx et les loups (que l'on ne trouve plus, aujourd'hui, que dans quelques contrées d'Europe centrale et orientale), ce qui met clairement en évidence que le rôle premier attribué à ces chiens fut la défense des troupeaux. Sans doute, les chiens de montagne ont connu une diffusion bien plus vaste, mais leur habitat naturel se situe dans les contrées les plus inaccessibles et les plus sauvages, là où les populations ont longtemps vécu sur les bases d'une économie pastorale traditionnelle.

Le cas du Montagne des Pyrénées est à cet égard exemplaire, puisque les loups en provenance d'Espagne ont, jusqu'à une période récente ; le dernier loup des Pyrénées a été tué en 1885 ; représenté un danger réel pour les troupeaux. Selon Hubbard, ils « inondaient » les vallées du versant français des Pyrénées. Mais aussi, et surtout, la chaîne pyrénéenne s'est révélée le dernier refuge des ours (dont les trop rares spécimens que l'on essaie de sauvegarder ne représentent plus un danger). Le « dieu Ours », d'ailleurs, considéré dans les ancestrales traditions païennes comme symbole de puissance et de fécondité, a hanté pendant des siècles l'imaginaire collectif des montagnards. Ainsi, les Pyrénées ont été le cadre d'une véritable civilisation montagnarde, qui n'a son équivalent dans aucune autre région française: dans des conditions très rigoureuses, impliquant parfois une véritable misère, les montagnards pyrénéens se sont accrochés, avec autant d'obstination que de fierté, à l'élevage de troupeaux très souvent étiques, pour conserver leur indépendance. Dans cette situation difficile, qui marquait encore la vie quotidienne de nombreux villages pyrénéens au XVIIIe siècle, les grands chiens blancs, veillant sur ces maigres troupeaux et leurs obstinés pasteurs, étaient un élément essentiel de survie pour les communautés montagnardes. La forte taille du Chien des Pyrénées (il était quatre fois plus gros que les moutons dont il assurait la sécurité) peut paraître paradoxale, eu égard à l'indigence de sa nourriture à base de lait et de croûtes de fromage. En fait, on ne s'est peut-être pas assez penché sur ce phénomène: nous avons trop tendance à penser que les progrès de l'élevage et de la nutrition canines ont conduit à une augmentation de la taille des chiens; or, cela ne paraît pas s'appliquer au Montagne des Pyrénées, qui, les plus anciens documents photographiques l'indiquent, était autrefois à peu près aussi impressionnant qu'aujourd'hui ; d'aucuns disent même qu'il était encore plus fort.

Les premiers témoignages écrits sur le Chien de Montagne des Pyrénées datent de la fin du XIVe siècle : il est mentionné que certains représentants de la race gardaient dès 1350 les châteaux de Foix, d'Orthez et de Carcassonne. En 1407, dit l'historien Bourdette, ce chien était utilisé au château de Lourdes ; il précise même que les guérites étaient spécialement aménagées pour le logement du chien et de l'homme de guet, et que les geôliers de la prison du château étaient toujours accompagnés de un ou plusieurs de ces chiens. Argotte de Molina et Gaston Phébus, qui le nomment « chien d'ours », montrent le Pyrénéen muni du fameux collier de fer hérissé de longues pointes, qui lui évitait de se faire étrangler au cours des combats avec son redoutable adversaire.

Le Montagne des Pyrénées a connu une notoriété inattendue en 1675, à l'occasion du voyage de Mme de Maintenon aux Eaux de Barèges, où elle accompagnait le jeune duc du Maine, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, alors âgé de huit ans, dont elle dirigeait l'éducation. Lejeune duc se prit d'amitié pour un Patou et voulut le ramener à Versailles.

Deux ans plus tard, le marquis de Louvois, lui aussi venu en cure dans la région, acquit à Betpouey un sujet de un an, magnifique selon la chronique, et qui fit sensation à la cour. Le Chien des Pyrénées bénéficia alors d'une certaine vogue, comme en témoigne un tableau de François Desportes (1661 - 1743), peintre officiel des chasses et des chiens royaux, qui représente deux spécimens faisant face à un loup. Le Pyrénéen ayant été décrété « chien royal », maints courtisans jugèrent de bon ton d'en avoir un, pour la garde de leurs demeures parisiennes et de leurs châteaux provinciaux.

En 1824, La Fayette envoya un couple de ces chiens à son ami américain Skinner et, dans une missive, lui recommanda chaudement la race comme « étant d'une valeur inestimable pour les éleveurs de moutons dans toutes les régions exposées aux attaques des loups et aux chiens égorgeurs d'agneaux ». Malheureusement, à cette époque, ces chiens ne firent pas souche outre-Atlantique. Ce n'est qu'au XIXe siècle que les témoignages sur le Chien des Pyrénées se multiplient. Ils émanent de cynologues français et étrangers, comme Brehm, le comte de Bylandt, Pierre Mégnin, Bénédict Henri Revoil, Hugh Dalziel, mais aussi de récits de voyage, de reportages, d'articles de revues (l'engouement des romantiques pour la « sauvage beauté » de la montagne met celle-ci à la mode, et la popularisation des cures thermales amène nombre de citadins à découvrir les pays pyrénéens). Des estampes, des cartes postales reproduisent les aspects les plus caractéristiques de la civilisation montagnarde : le Chien des Pyrénées y figure en bonne place. Si, à l'occasion, son rôle de chien d'avalanche est rappelé, c'est sa fonction essentielle ; gardien de troupeaux ; qui est alors le plus souvent mise en vedette.

Déjà, en 1600, Olivier de Serres, dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, opposait les chiens de « couleur obscure », destinés à la garde des maisons, et les chiens blancs qui,« par la conformité de leur couleur, conversent facilement avec les moutons et brebis ». C'était là une façon un peu trop littéraire, sans doute, d'apprécier le travail du Chien des Pyrénées. Chez les montagnards, on voit les choses avec plus de réalisme : élever de tels chiens, c'est s'assurer des gardiens efficaces ; à condition qu'ils soient de bonne race.

Au début du XIXe siècle, pour être encore empirique, la sélection n'en est pas moins exigée des connaisseurs, sur les marchés où, traditionnellement, ont lieu les ventes. Le témoignage de Commettant (cité par le docteur Luquet) en 1808 est, à cet égard, révélateur : « Tous les dimanches, les bergers descendaient à Cauterets où, sur la place du marché, ils étaient sûrs de ne pas remonter dans leur cabane les poches vides si les chiens qu'ils apportaient étaient de race pure. »

A partir de 1850 environ, la renommée du Chien des Pyrénées ayant débordé définitivement de ses pâturages ancestraux, les cynophiles commencent à s'intéresser à la race. Lors de la première exposition française, organisée par la Société impériale d'acclimatation en 1863 à l'Orangerie, plusieurs spécimens sont présentés et deux d'entre eux obtiennent une récompense. A la suite de la deuxième exposition, organisée à Paris en 1865, le cynologue anglais Richardson note : « Les plus remarquables parmi les chiens de garde sont les Chiens des Pyrénées, qui sont de grande taille ; leur poil est dur, assez long et bien fourni, leurs oreilles sont tombantes et leur pelage blanc avec de grandes taches orange, ocres ou grises, surtout à la tête et au cou; leur queue est très touffue, ils ont les yeux bleus et de doubles ergots. »

Dès lors, la race est régulièrement présentée dans les expositions canines ; bien avant, donc, les années 1906 - 1907, comme on le prétend parfois ; même si les spécimens exposés sont souvent de qualité très variable.

En 1874, dans le journal L'Acclimatation, paraît un article vraisemblablement écrit par de Kermadec, un cynophile averti, qui a le mérite d'identifier les régions d'où pouvaient être originaires les plus beaux sujets et de signaler les dangers d'abâtardissement et de raréfaction qui pesaient déjà sur la race. Il oppose en effet au Chien des Pyrénées occidentales, répandu dans la région des Bagnères, blanc à taches noires et assez trapu, celui des Pyrénées orientales, lequel « est grand, a des formes plus élancées, le museau effilé, les oreilles pointues et tombantes, le pelage doux, soyeux et abondant, d'un blanc de neige avec des taches gris clair ou café-au-lait ; généralement, ces taches n'existent que sur les oreilles et à la face. Dans ce dernier cas, il a une bande noirâtre sur chaque œil; souvent aussi il est entièrement blanc. Ce type, le plus beau peut-être de tous les chiens de garde français, est en outre, comme tous les chiens de montagne, remarquable par sa vigueur et sa vigilance. Il était autrefois répandu dans la partie des Pyrénées qui avoisine le département de l'Ariège et la république d'Andorre, mais il paraît y être aujourd'hui fort rare, s'il n'est complètement détruit. » Fort heureusement, ces propos étaient quelque peu pessimistes, puisque, à l'heure actuelle, on trouve encore des sujets bien typés ne possédant pas pour autant de pedigree. Les sujets les plus purs se situaient d'ailleurs dans le secteur Tarbes – Lourdes - Cauterets.

Le mérite d'une première description complète du « Patou » revient au comte de Bylandt, le grand cynologue belge ; en 1897, il publie dans Les Races de chiens (un monumental ouvrage en deux volumes) une ébauche de standard, avec illustrations à l'appui. Dans l'ensemble, malgré certaines erreurs (le museau « pointu », ou le dos qui peut être « en sellé »), le portrait correspond à celui des chiens d'aujourd'hui, bien que deux caractéristiques typiques ne soient pas mentionnées : la fameuse « expression pyrénéenne » et la queue faisant la roue (« arroundera », disent les Pyrénéens) lorsque le chien est en action. Bylandt eut l'occasion de vérifier ses appréciations sur le terrain, puisqu'il fit, en 1907, un long voyage dans les Pyrénées, pour accompagner Théodore Dretzen, un puissant magnat de la presse qui avait décidé de consacrer ses loisirs à l'élevage du Chien des Pyrénées, sur le conseil du docteur Pierre Mégnin. Pendant deux mois, Dretzen et Bylandt sillonnèrent les Pyrénées à la recherche de beaux sujets, et ils ramenèrent plusieurs chiens dans la région parisienne. Pris de passion pour sa nouvelle activité d'éleveur, Dretzen n'épargna pas ses moyens : il fit en effet construire un chenil modèle à Bois-Colombes, comprenant cuisine, infirmerie, salles de bain et de séchage, et il entoura ses chiens d'attentions.

Tout originale qu'elle fût, l'action de cet amateur éclairé, aussi fortuné que désintéressé, contribua efficacement à faire connaître la race aux cynophiles français. Des photos de l'époque montrent certains des chiens de Dretzen, qui sont bien typés, et son élevage (affixe Zaïella) obtint le prix du Président de la République. Son entreprise suscita des imitateurs ; ainsi, à la suite de son voyage en pays pyrénéen, un « Club des chiens pyrénéens » fut créé à Argelès-Gazost, à l'initiative d'un éleveur, M. Byasson, qui publia une brochure, la première du genre, faisant l'historique de la race.

Parallèlement, cette même année 1907 vit la fondation à Cauterets d'un autre club, le Pastour Club, autour du baron A. de la Chevrelière, président, avec comme principaux membres le docteur Moulonguet et MM. Camajou et Sénac-Lagrange. Ce club publia de son côté un standard fort inspiré de la description de Bylandt. Les efforts de ces associations, trop dispersés, ne purent enrayer un certain déclin de la race, ni empêcher la diffusion de sujets plus ou moins bien typés, vendus aux touristes français et étrangers, voire expédiés jusque dans le nord de la France, en Belgique et en Grande-Bretagne.

La Première Guerre mondiale contribua à aggraver la situation de la race, car elle décima les rangs des éleveurs cynophiles, de même que ceux des montagnards qui entretenaient des élevages traditionnels. Après la tourmente, cependant, une réaction très positive se produisit. Au début des années vingt, en effet, on s'aperçut qu'il existait une autre race pyrénéenne, celle du petit Berger des Pyrénées, et c'est alors que prit corps l'idée de faire connaître conjointement ces deux purs produits de la montagne, tout à fait complémentaires dans leur emploi traditionnel, en veillant à leur sélection ; d'autant qu'il fallait éviter d'éparpiller, comme c'était le cas auparavant, les bonnes volontés (un premier club du petit Berger des Pyrénées s'était d'ailleurs créé en 1921). D'où la naissance, en 1923, de la Réunion des amateurs de chiens pyrénéens (RACP), sous l'impulsion de Bernard Sénac-Lagrange, qui prit en charge le destin des deux races pyrénéennes: dès l'année de la création du Club, il publia un bulletin, puis fit affilier l'association à la SCC; enfin, après de nombreuses études, notamment sur le terrain, il rédigea en 1927 un nouveau standard, qui a toujours cours actuellement, à quelques détails près (ajout, en 1970, d'une liste de défauts, entérinée par la Fédération cynologique internationale en 1975, et quelques précisions apportées en 1986, concernant la pigmentation des muqueuses et de la truffe).

La Seconde Guerre mondiale fut l'occasion de mettre à l'épreuve les qualités « guerrières » des Pyrénéens, puisque certaines unités de chasseurs alpins, en France, furent dotées de chiens servant d'agents de liaison, pour la transmission des messages (leur blancheur les rendait pratiquement invisibles dans des paysages enneigés). Aux Etats-Unis, les forces armées mobilisèrent aussi des Pyrénéens. Néanmoins, la guerre contraria grandement et durablement la diffusion de la race, en particulier en France.

Aujourd'hui, le Montagne est devenu rare dans la chaîne pyrénéenne; cependant, indique Guy Mansencal, « il y vit toujours, certes en nombre limité, depuis les deux dernières guerres, qui, si elles ont altéré quelque peu certaines constantes, n'ont toutefois pas fait disparaître son biotype ». Il a d'ailleurs été l'objet d'un regain d'intérêt, dans l'Hexagone, grâce au feuilleton télévisé Belle et Sébastien, dont l'héroïne était, on s'en souvient, une Chienne des Pyrénées (rôle joué en fait par deux mâles). Toutefois, l'effet promotionnel, temporaire, est désormais épuisé, et les effectifs sont actuellement en baisse. Mais le Pyrénéen a fait des adeptes hors de sa patrie d'origine. Le caractère très attachant de ce chien ainsi que les services éminents qu'il peut rendre en milieu montagnard expliquent sa diffusion mondiale (que n'avait pas prévue Sénac-Lagrange). C'est même, sans doute, la race française répandue dans le plus grand nombre de pays.

Dans ses montagnes natales, le Chien des Pyrénées fut appelé à des tâches aussi nombreuses que variées : gardien des châteaux du Sud-Ouest depuis plus de six cents ans; il sut être aussi, lorsqu'il le fallait, chien de bât, ravitaillant même les villages isolés, comme le rapporte C. Douillard : « En Ariège, pendant un hiver de la dernière guerre, une colonne de cinq ou six Pyrénées traversaient la vallée couverte de neige, chargés de petits colis. Renseignements pris, ces chiens allaient porter dans un village isolé, coupé du monde, ravitaillement et objets de nécessité urgente. »

Ces divers et brillants états de service ne doivent cependant pas faire oublier que, pendant des siècles, le Montagne des Pyrénées a eu pour principale fonction de garantir la sécurité des troupeaux; au temps où loups, lynx et ours ; sans oublier les maraudeurs ; abondaient, il devait empêcher ces prédateurs de prélever un animal au troupeau, et même éviter que l'un d'eux ne s'approchât trop, les bêtes affolées risquant de se jeter dans un à-pic. Troupeau et berger ayant pris leur quartier nocturne, le Montagne, muni de son collier protecteur, montait la garde; choisissant un endroit stratégique (un petit mamelon, par exemple, d'où il surveillait les alentours), il effectuait des rondes régulières, en lançant continuellement son aboiement profond, puissant, parfois un peu sourd, toujours impressionnant et dissuasif même pour les agresseurs les plus entreprenants. Il était surtout un chien de nuit, discret et calme pendant le jour ; et même somnolent, au moins en apparence ; mais s'activant soudain avec le crépuscule. Son efficacité était proverbiale: un seul Montagne était suffisant pour mettre en fuite ou défier le loup ou le lynx, mais, précisait Dralet en 1813, « il en faut deux ou trois pour résister aux attaques des ours ».

Avec la disparition presque totale des prédateurs, le rôle du Chien des Pyrénées est-il pour autant devenu accessoire, aujourd'hui, dans ses montagnes? Un éleveur de moutons se récrie : « Le rôle du Montagne est important dans la prévention contre toutes les attaques des troupeaux par des chiens errants ou par des renards, voire par des sangliers. »

Cette permanence des qualités ancestrales des Chiens des Pyrénées est confirmée en d'autres contrées montagneuses, comme celles du Canada et des Etats-Unis, où, mis en concurrence avec d'autres races pour veiller sur d'immenses troupeaux d'ovins, il a amplement démontré son efficacité, y compris dans les situations les plus délicates (on cite à cet égard un sujet nommé Ben, qui vint à bout, seul, d'un puma de 75 kg).

Les capacités de gardien du Montagne, qui se manifestent spectaculairement lorsque les troupeaux sont au pâturage, s'appliquent aussi à la défense des bâtiments. Fonction particulièrement appréciable dans les fermes isolées ; où, pendant des siècles, on s'est demandé si l'inconnu qui s'approchait était ami ou ennemi. L'une des moindres qualités du Montagne n'est pas de savoir distinguer, à coup sûr, l'un et l'autre. « Lorsque, la nuit, un voisin attardé rentre chez lui, longeant le mur de la ferme, le chien n'aboie pas et ne se lève même pas, car il connaît ce pas qu'il entend chaque jour », écrit un grand connaisseur du Patou, J. Dhers. « Si le passant, ajoute-t-il, est un inconnu, le chien se porte à l'entrée de la cour et suit l'homme des yeux ; il le laisse s'éloigner jusqu'à une certaine distance et ne s'en occupe plus. Mais si l'étranger entre dans la cour, le chien l'escorte en aboyant pour prévenir son maître et il ne le laissera pas approcher de la maison, ni des étables, ni des locaux, avant l'arrivée de celui-ci. L'inconnu, en attendant, fera bien de ménager ses gestes et de s'abstenir de menaces. »

Dhers précise encore: « Il est certain que livré à lui-même, le bon Chien des Pyrénées n'attaque qu'à la dernière extrémité, mais alors, rien ne l'arrête. » Et il conclut : « Je tiens ce chien pour le meilleur et le plus sûr gardien qui existe parce qu'intelligent, observateur, courageux, froid et inaccessible à la peur. »

Transposé dans un cadre plus citadin, le Montagne fera merveille s'il est préposé à la garde d'une vaste propriété, dans un parc : somnolant paisiblement dans son coin pendant la journée, il se mettra en alerte à la tombée de la nuit, et, tous ses sens en éveil, il patrouillera en rondes incessantes tant que régnera l'obscurité, répondant d'un aboiement sourd, en forme d'ultimatum, au moindre bruit anormal qui l'aura alerté.

Les qualités du Montagne ont tout de même leur contrepartie: il est nécessaire, compte tenu de son tempérament, de l'avoir bien en main; car ce chien doux, mais d'une extrême méfiance, sait à l'occasion être très cabochard. Aussi, « cet autonomiste-né a besoin d'un maître à poigne qu'il puisse respecter et dont l'estime le comblera », comme le diagnostique avec justesse le docteur Millemann, vétérinaire-conseil (et éleveur expérimenté) de la RACP. Chien naturellement dominateur, et assez peu obéissant, le Montagne doit donc être éduqué très tôt et très fermement ; il est particulièrement conseillé de lui inculquer de solides notions de rappel, car il est volontiers fugueur ; ce qui peut être source d'ennuis (pour lui, notamment) dans un environnement urbanisé.

Envers ses congénères, le Patou n'est généralement pas un modèle de tolérance. Certains sujets montrent même une propension à se jeter sur tout Berger Allemand ou chien apparenté passant à proximité ; atavisme, peut-être, de l'ancien chasseur de loup? En revanche, les manifestations d'hostilité des roquets le laissent le plus souvent parfaitement indifférent.

Ses qualités innées de gardien rendent le Montagne suffisamment agressif ; si les circonstances l'exigent ; et, de l'avis même de tous ceux qui ont une longue pratique de ce chien, il ne faut pas chercher à accroître son agressivité par un dressage. Dresser un Montagne à la défense pourrait même se révéler dangereux, une agressivité exacerbée et son goût immodéré pour l'indépendance pouvant constituer un mélange explosif. En fait, la manifestation d'une ferme autorité, de la part du maître, et un mode de vie équilibré garantissent un comportement satisfaisant du Montagne, si le sujet est de bonne qualité.

S'il est un peu plus encombrant que nombre de chiens dits « de compagnie », le Montagne peut se montrer très attachant. Pour qui sait le comprendre ; et il y faut de la psychologie, de la patience et du bon sens, à défaut de « feeling » ;, ce chien, aussi vaillant que doux, n'est pas dépourvu à ses heures de malice, de gaieté et d'une joyeuse indiscipline proche de l'humour. Ces traits de caractère apparaissent à la lecture d'Un homme et son chien, où Jean Nourry narre avec beaucoup de verve ses démêlés avec son Montagne pendant la dernière guerre. Et, compagnon idéal de l'homme d'action, le Chien des Pyrénées s'accorde aussi avec le contemplatif, qui sait apprécier la nonchalante élégance de son chien, se perdre dans son regard insondable et rêver .avec lui des nuits profondes où, aux temps anciens, retentissait dans la montagne l'aboiement formidable d'un Patou.