Comme son proche cousin le Beauceron, le Berger de Brie, ou Briard, ne tire vraisemblablement pas son nom de sa provenance géographique, et l'on ne peut d'ailleurs affirmer avec certitude que cette race fort ancienne, peut-être issue du chien des tourbières connu dès la préhistoire, a vu le jour dans telle ou telle province.
Quoique certains lui prêtent une origine plus lointaine, liée à la légende du chien de Montargis, l'appellation de Berger de Brie apparaît pour la première fois en 1809 dans le Cours d'agriculture de l’abbé Rozier, qui différencie ainsi les deux grandes familles de Bergers alors présentes sur notre territoire: « Dans les pays de plaine, de coteaux découverts et dans les promenades de jour des bêtes à laine, le chien de Brie est celui qui est employé. Ce chien a les oreilles courtes et la queue dirigée horizontalement ou recourbée en haut ou quelquefois pendante, son poil est long sur tout le corps, le noir est la couleur dominante. Ce n'est pas sa beauté qui fait son mérite, ses perfections naissent de son obéissance, de son activité, de son industrie. On ne voit pas sur quoi est fondé l'usage de lui couper la queue et les oreilles, mais on conçoit pourquoi il est prudent de lui couper les crochets à six mois s'il annonce de devenir trop ardent. Sa charge est de faire obéir les bêtes à laine par sa voix et ses mouvements combinés et non par ses morsures. Pour les pays de bois et de montagnes accidentés ou parsemés d'épais buissons ou pour la garde de nuit, enfin pour tous les lieux qui favorisent la voracité des loups, les bergers devront joindre au chien de Brie des défenseurs plus robustes, des mâtins de forte race. »
Au Berger de Brie, donc, le rôle de conducteur de troupeaux, à l'ancêtre du Beauceron, puisque c'est de lui qu'il s'agit, la garde.des bêtes contre leurs prédateurs'. Si la description de l'abbé Rozier évoque bien par certains points le Briard tel que nous le connaissons aujourd'hui, elle révèle aussi l'assez grande hétérogénéité qui régnait à l'époque au sein du même groupe de chiens. Il n'y a là rien qui doive surprendre si l'on considère, d'une part, que jusqu'à la fin du XlXe siècle l'évolution des races d'animaux participait plus de l'auto sélection naturelle que de l'élevage rationnel et, d'autre part, comme le montre bien le texte cité, que l'esthétique de l'animal était alors tout à fait négligeable auprès de ses qualités de travail.
Le premier document moderne dont nous disposions est une photographie prise en 1863 par Léon Crémière dans le cadre de la première exposition canine de Paris, manifestation dont il a immortalisé tous les lauréats. Elle montre une chienne répondant au nom de Charmante qui, classée première parmi les chiens de berger, présente des similitudes certaines avec notre Briard d'aujourd'hui.
En 1888, dans son journal L'Éleveur, le vétérinaire militaire Pierre Mégnin revient sur la distinction entre le Berger à poil long dit « de Brie » et celui à poil court qu'il suggérera de baptiser « de Beauce » pour mieux le différencier du Briard: « Le chien de Brie, écrit-il, est le résultat du croisement du Barbet avec le Beauceron. Il a les mêmes proportions, comme lui il a les oreilles courtes et droites, mais il en diffère par son pelage long et laineux, généralement ardoisé, foncé ou noir mal teint. On lui rogne très souvent la queue. Il a les mêmes qualités que l'ancien chien de berger français. » Et, pour compléter sa description, Pierre Mégnin publie un dessin d'un chien de ce type, baptisé Sans Gêne, premier prix et médaille d'or du ministre de l'Agriculture.
Il faudra malgré tout attendre cinq ans encore pour que ces deux catégories de chiens soient véritablement reconnues, car, comme l'écrivit plus tard ce même Pierre Mégnin, « Jusqu'en 1893, même dans les expositions canines, on ne distinguait aucune race ; les diverses appellations: chiens de Brie, de Beauce, des Pyrénées, Picard, de la Crau, du Languedoc, des Ardennes, etc., n'avaient trait qu'à leur pays d'origine ».
C'est finalement en janvier 1896 qu'une commission, composée de personnalités compétentes réunies pour la circonstance dans la grande salle du marché de la Villette sous la présidence d'Emmanuel Boulet, devait jeter les bases des premiers standards et susciter la création du Club français du Chien de Berger, qui, patronné et subventionné par le ministère de l'Agriculture, se réunira pour la première fois l'année suivante. Ses statuts, tels que publiés peu après au Journal officiel, lui assignent des objectifs précis, que résume ainsi le vétérinaire, juge et expert cynologique international Maurice Luquet dans son ouvrage Les Chiens de Berger français : « Encourager, par tous les moyens possibles, l'amélioration, l'élevage et le dressage de nos races si utiles de Bergers français, en organisant des concours de chiens de berger au travail et des expositions, en vulgarisant par la gravure les beaux types et en y ajoutant la description de chaque variété afin de faciliter le choix des reproducteurs et de renseigner les éleveurs, en invitant les adhérents à faire inscrire leurs élèves bien typés au Livre des origines français (LOF), afin de faire connaître aux amateurs les chiens de la race suivie ».Pendant quelque temps, le standard du Berger de Brie distingua deux variétés de chiens, l'une à poil laineux, l'autre à poil de chèvre, mais seule cette dernière perdura car le poil laineux présentait trop d'inconvénients, notamment une tendance importante au feutrage. Grâce à la fondation, en 1909, à l'initiative de M. Lamarque, du club « Les Amis du Briard », grâce aussi aux efforts des éleveurs et des exposants, le Berger de Brie n'allait pas tarder à connaître un très grand succès dans son pays d'origine d'abord, puis à l'étranger, tout en évoluant progressivement vers le type que nous connaissons à l'heure actuelle.
Sous le pseudonyme de Sédir, Yvon Le Loup publia en 1926 une étude sur le Briard intitulée Le Berger de Brie, chien de France, dans laquelle il écrivait notamment : « D'une façon générale, je pense que les chiens à poil long semblent être plus intelligents que ceux à poil court. Ils comprennent mieux ce que leur maître leur demande, et apprennent plus vite. Ils ont une douceur, une loyauté, une fidélité supérieure à la moyenne. Le chien de Brie possède ces qualités au plus haut degré. » Si la thèse de Sédir est loin, et pour cause, de faire l'unanimité chez les cynophiles, il n'est pas, en revanche, un amateur de Briard qui ne partage son enthousiasme pour les qualités morales d'un chien dont Gaby Morlay disait avec un sens consommé de la formule: « C'est un cœur avec du poil autour. » Un vrai Briard séduit en effet dès le premier abord par son équilibre, son calme, par sa délicatesse également, étonnante chez un athlète aussi puissant, et par l'amour ; le mot n'est pour une fois pas trop fort ; qu'il voue à son maître et à sa famille. Un amour qui se lit dans ses grands yeux sombres et qui, né du respect mutuel, se nourrit de la compréhension instinctive ; certains disent même de la divination ; de ce qui peut contenter son entourage.
Il n'est que d'observer un Briard dans son cercle familial pour mesurer son sens inné de l'adaptation aux situations et aux gens : grosse peluche débonnaire pour les tout-petits sur lesquels il veille, sans en avoir l'air, avec un soin jaloux, complice des jeux et des espiègleries des plus grands, partenaire infatigable des adultes en promenade, au ski ou sur la plage, il sait aussi tempérer son exubérance naturelle en présence des plus faibles ou des personnes âgées, et même, vertu suprême chez ce grand sensible toujours en quête d'affection, se faire oublier au restaurant ou en voyage. Mais, que l'on ne s'y trompe pas. Ce formidable chien de compagnie, ce gros costaud ébouriffé qui se montre si doux avec les enfants est resté chien de berger dans l'âme, et malheur à qui menacerait ses proches ou leur biens. Car, sous ses dehors de gros nounours aimable, le Briard est également un gardien-né, héritier d'une longue tradition de dévouement et de courage, qui défendra jusqu'au bout ceux qu'il aime.
Méfiant par nature avec les étrangers, il n'est pas pour autant agressif, à condition toutefois de ne pas être tenu attaché à une chaîne ou enfermé dans un chenil. Le Briard a en effet besoin d'un contact permanent avec son maître pour s'épanouir et pour développer son intelligence, qui est grande. Avec lui, pas de problème de dressage. Il sait d'instinct ce que l'on attend de lui, et son excellente mémoire lui permet d'assimiler rapidement les notions qui lui sont enseignées. Son éducation sera entreprise dès le plus jeune âge, avec fermeté, certes, mais avant tout avec tendresse. Car, avec lui, la brutalité ne paie vraiment pas : elle constitue au contraire le plus sûr moyen de lui « casser » le caractère, d'en faire un chien craintif ou, pis, vindicatif, qui ne sera jamais un vrai Briard. Et tous les spécialistes le confirment: les meilleurs chiens de garde et de défense ne se recrutent pas parmi les sujets teigneux, mais, au contraire, parmi les chiens équilibrés, sûrs d'eux-mêmes et de leur force. |