Le Welsh Corgi, qui l'ignore ? C'est le chien de la reine d'Angleterre. Pourtant, ce lieu commun ne doit sûrement pas recueillir l'approbation des amoureux de la race! D'abord, parce que ce chien est non pas anglais mais gallois, ensuite parce que ses qualités se suffisent à elles-mêmes, sans avoir besoin de cette référence. Campagnard, rustique, chien de travail et admirable ami de l'homme, le Welsh Corgi n'est pas seulement le chien de la reine.
Il convient donc d'oublier quelques instants ses attributions aristocratiques et de se pencher sur les origines de ce remarquable chien de berger, dont il existe deux types, le Pembroke et le Cardigan. Pour commencer, on dira que le Cardigan est sans doute le plus ancien des deux. Ce diable de petit chien, probablement cousin des ancêtres du Terrier Allemand et du Teckel, aurait suivi les Celtes tout au long de leur migration vers les montagnes du pays de Galles, mille deux cents ans avant notre ère. Il gardait les campements, assurait la protection des femmes et des enfants, mais surtout veillait sur les précieux troupeaux. Trop petit pour vraiment se battre, il servait néanmoins de « sonnette d'alarme » au moindre bruit suspect, qu'il détectait grâce à son ouïe d'une rare finesse. Son aptitude à conduire les bêtes lui valut vite une grande réputation, puisque, dès le Xe siècle, le roi Hywel Dda (le Bon) décida de punir d'une amende de quatre pence quiconque tuerait volontairement un chien de travail. Il ne faut pas chercher plus loin l'origine du nom Corgi, puisque, en gallois, petit chien de travail se disait cur-gi. Si le chien avait plus d'un an (donc pouvait déjà travailler comme berger), l'amende encourue augmentait: elle variait de 60 à 320 pence selon la qualité de l'animal, ce qui était lourd.
Il est certain que les races scandinaves furent mêlées à l'évolution du Corgi à partir du IXe siècle par le biais des incursions vikings. Lorsque les drakkars touchaient terre, il en sortait toujours quelque Buhund ou Vallhund (Vâstgôtaspets), lesquels durent s'accoupler avec les Corgis déjà sur place, à moins que, comme une autre hypothèse le prétend, les Cardigans n'aient pas existé auparavant et descendent donc de croisements entre chiens scandinaves et chiens de berger gallois locaux.
L'histoire de la naissance du Pembroke, elle, est plus précise. Elle se situe à l'époque où le sud du pays de Galles était occupé par les Anglo-Normands : Henri 1er Beauclerc (1069-1135), quatrième fils de Guillaume le Conquérant, aurait fait venir des tisserands flamands au pays de Galles, afin d'y développer l'artisanat. Lesdits tisserands se seraient établis dans le comté de Pernbroke en y amenant leurs chiens. Ces derniers étaient de parenté nordique, type Chien d'Elan Norvégien, Samoyède, ou de genre Terrier Allemand, ce qui en faisait en somme de lointains cousins des Cardigans du pays. Ainsi se trouverait expliquée la ressemblance entre les deux variétés (même si elle est en majeure partie imputable aux croisements entre Pembrokes et Cardigans qui eurent lieu par la suite).
On dit que les deux Corgis reçurent plus tard l'apport d'autres races, notamment du Colley à poil court et du Sealyham Terrier. Les deux variétés restaient cependant fort reconnaissables, et elles ne commencèrent sans doute à se ressembler vraiment que vers la moitié du Xl X" siècle, lorsqu'elles furent croisées entre elles. Quoi qu'il en soit, les Welsh Corgis menaient à bien leur dure mission de chien de troupeau, rassemblant même parfois les poneys à demi sauvages des collines. Du XVe au XIXe siècle, ils acheminèrent les bêtes jusqu'aux grands marchés, dont celui de Londres, devenant ainsi les « pourvoyeurs de viande » de la capitale. L'arrivée du chemin de fer et le développement des transports routiers mirent fin à cette époque héroïque et renvoyèrent le Corgi à ses anciennes fonctions, c'est-à-dire à la vie de chien de ferme gallois.
Mais les Britanniques allaient inventer les expositions canines et, ainsi, accélérer le destin du Corgi. Loin de rester sagement à la ferme, ce chien se présenta devant le public, d'abord dans son pays d'origine à Bancyfelin en 1892, puis à Mitcham (Surrey) en 1925. Les cynophiles de l'époque étaient toujours à l'affût d'une nouvelle race à étudier et sélectionner (mais ne le sont-ils pas toujours ?), et ils ne manquèrent pas de s'intéresser au Welsh Corgi. La même année se fondait à Haverfordwest un Welsh Corgi Club réunissant les amateurs du Pembroke. Les amis du Cardigan les imitèrent en 1926 en créant la Cardigan Welsh Corgi Association. Pourtant, il leur fallut attendre 1934 pour voir le très officiel Kennel Club décider de reconnaître les deux races et les doter chacune d'un standard propre.
En 1933, le duc d'York, futur George V, offrit un Pembroke à chacune de ses filles, donc à Elisabeth. Le sort du Welsh Corgi était alors fixé: promis à un avenir européen, puis mondial, il fit la carrière que l'on sait. Devenu aux yeux de chacun le chien de la reine d'Angleterre, le Çorgi est en train de gagner ses lettres de noblesse aux Etats-Unis. Et, même si les Britanniques semblent quelque peu le délaisser en ce moment, son histoire a montré qu'il avait les reins solides, car, dans les simples fermes du pays de Galles comme dans les salons de Buckingham Palace, le Welsh Corgi reste toujours le même : royal.
Rustique est peut-être l'adjectif qui qualifie le mieux le Welsh Corgi. Pourtant, ce solide petit campagnard se distingue à la ville, précisément en n'attirant pas l'attention. Car le bougre de Corgi a su remarquablement s'adapter au mode de vie urbain et sait autant apprécier la moquette des appartements que la paille des écuries.
Doté d'un caractère berger, le Corgi est avant tout franc et droit. Très équilibré, il entretient avec ses maîtres des rapports de saine amitié. Placide ou câlin à ses heures, il est le compagnon parfait pour les gens calmes et sociables. Sans réclamer, il attendra patiemment sa promenade, puis il saura marcher des heures à côté de son maître, moments pendant lesquels celui-ci risque de rencontrer bien des curieux au sujet de son compagnon. D'ailleurs, s'il défend son territoire lorsqu'il est chez lui, le Corgi est sûr de sa force et fait volontiers connaissance avec des étrangers. On peut donc le sortir sans crainte, d'autant qu'il est également aimable avec ses congénères, même s'il sait parfois leur montrer qui est le plus costaud. Avec les enfants, enfin, ce sont des jeux et des caresses interminables, ce qui ne l'empêche pas de garder un œil sur eux pour éviter les bêtises et les ennuis. Ce chien très intelligent peut apprendre de nombreux exercices. Outre-Manche, il prend souvent les meilleures places en concours d'obéissance. Mais ce n'est là qu'une corde de plus à son arc : il en a bien d'autres. Chien polyvalent, le Welsh Corgi saura vous surprendre. |